Vote d’un ravalement sans respect des dispositions du règlement de copropriété
(syndic ASL GESTION, 78) :
nos analyses et nos conseils
Dans le cadre d’un rendez-vous avec le conseil syndical pour l’analyse d’une convocation d’assemblée générale rédigée par le syndic ASL Gestion (78), nous avons relevé plusieurs erreurs importantes qui mettaient en jeu la validité de cette assemblée générale (tenue début décembre 2015), ou pour le moins, chacune des questions non-conformes. Nous les commentons dans les lignes qui suivent.
I. La situation
Voici le cas d’une question et son projet de résolution portant sur des travaux de ravalement pour les 3 bâtiments de cette copropriété d’une centaine de lots.
Question : Ravalement façades, pignons avec isolation thermique extérieure (article 25)
Projet de résolution : « L’assemblée générale décide de procéder au ravalement des bâtiments 3, 5 et 7 de la Résidence « …. » avec une isolation thermique extérieure ».
Il est ainsi proposé un vote unique pour des travaux relatifs à 3 bâtiments distincts, avec une répartition en tantièmes de charges générales.
Or, après examen du règlement de copropriété, fourni par le conseil syndical, nous avons constaté que ce projet de résolution était contraire aux dispositions du dit règlement, puisque celui précisait bien, d’une part, l’existence de charges spéciales à chaque bâtiment et d’autre part, une clause relative aux votes particuliers.
II. Première irrégularité : une question unique pour 3 bâtiments
- Charges communes spéciales à chaque corps de bâtiment
Le règlement de copropriété opère bien la distinction entre charges communes générales et charges spéciales « bâtiment » sous son article intitulé « règles de répartition des charges ».
Ainsi les charges spéciales à chaque corps de bâtiment, comprennent notamment :
- « les frais de ravalement des façades, auxquels s’ajouteront, mais seulement lorsqu’ils seront la conséquence d’un ravalement général, les frais de peinture et de réparation des extérieurs des fenêtres, des persiennes, des gardes corps et fenêtres de chaque appartement, bien que ces choses soient parties privatives ».
Le règlement de copropriété précise par ailleurs que les « dépenses d’entretien, de réfection et de construction des bâtiments seront ventilées selon qu’elles s’appliquent à l’un ou l’autre des bâtiments », soit entre les 3 bâtiments existants (A, B, C).
Cet alinéa signifie bien que les charges liées aux façades, toitures, etc. constituent des charges spéciales distinctes entre les bâtiments A, B, et C.
Et celles-ci sont parfaitement indiquées dans le tableau récapitulatif des charges, avec distinction entre charges générales et charges spéciales par bâtiment.
- Clause de votes particuliers
Même si ce règlement prévoit des charges spéciales par bâtiment, cela ne signifie pas pour autant que seuls les copropriétaires redevables de ces charges sont appelés à voter sur la/les questions relatives à ces bâtiments…
Pour qu’il en soit ainsi, il faut que le règlement mentionne expressément une clause dite de « votes particuliers », tels que définis sous l’article 24 de la loi du 10 juillet 1965, qui énonce que :
« Lorsque le règlement de copropriété met à la charge de certains copropriétaires seulement les dépenses d'entretien d'une partie de l'immeuble ou celles d'entretien et de fonctionnement d'un élément d'équipement, il peut être prévu par ledit règlement que ces copropriétaires seuls prennent part au vote sur les décisions qui concernent ces dépenses. Chacun d'eux vote avec un nombre de voix proportionnel à sa participation auxdites dépenses. »
En l’occurrence, le règlement de copropriété comportait bien la mention suivante :
« Lorsque la question débattue est relative à l’une des charges spéciales, seuls participent au vote les copropriétaires à qui ces charges incombent, chacun d’eux disposant alors d’un nombre de voix proprotionnel à sa contribution dans les dépenses en cause ».
Conclusion : en l’état, la question à l’ordre du jour et la décision à prendre sur le ravalement étaient donc manifestement contraires aux dispositions du règlement de copropriété et aux dispositions d’ordre public de l’article 24 de la loi du 10 juillet 1965.
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Conseils : il est nécessaire que soit inscrite à l’ordre du jour, une question par bâtiment avec son projet de résolution. Les devis peuvent porter sur l’ensemble de la copropriété, mais chaque bâtiment doit être parfaitement identifié et les coûts relatifs à chaque bâtiment doivent être différenciés.
III. Deuxième irrégularité : un vote global pour les travaux et autres intervenants
Une autre irrégularité a entaché la même question.
En effet, le syndicat a été appelé, sous cette question unique, à statuer pour des travaux de ravalement des 3 bâtiments (coût 908.500 €), mais également pour tous les postes suivants :
- Honoraires de maîtrise d’œuvre (phase exécution) : 33.058 €
- Souscription d’une assurance dommage ouvrage : 28.480 €
- Honoraires SPS : 4.400 €
- Honoraires du bureau de contrôle (obligatoire via syndic) : 10.000 €
- Honoraires du syndic : 16.063 €
Soit un coût total de 991.501 €
Or, la pratique du « vote bloqué » (ou vote global), qui consiste à grouper plusieurs questions sous une seule et même résolution (un seul vote), est prohibée en application du principe d'autonomie des décisions (CA Nancy, 1re ch., 26 avr. 1999, n° 95003102), une résolution soumise au vote ne doit avoir qu'un seul objet CA Paris, 23e ch., sect. B, 4 déc. 2008, Cass. 3e civ., 14 janv. 2009).
Par ailleurs, tout le monde (sauf le syndic ASL Gestion apparement) sait parfaitement que les honoraires du syndic sur travaux doivent en particulier répondre à cette règle et sont votés dans une question distincte de celle des travaux inscrite dans le même ordre du jour (article 18-1 A de la loi du 10 juillet 1965). Or ce n’était pas le cas ici.
Conclusion : en l’état, la question à l’ordre du jour et la décision unique à prendre sur un ensemble d’objets distincts étaient manifestement irrégulières au regard de la jurisprudence constante.
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IV. Conclusions et conseils de l’ARC
Dans l’hypothèse où ces deux décisions auraient été prises lors de cette assemblée générale, elles pouvaient faire l’objet d’une contestation judiciaire dans les délais prescrits par l’article 42 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1965 (2 mois à compter de la notification du procès-verbal d’assemblée générale).
Mais, fort de nos conseils et analyses, le conseil syndical a repris la main en assemblée générale. Celle-ci a, d’une part, refusé de voter les résolutions telles que rédigées et d’autre part, a demandé au syndic de reconvoquer, à ses frais, une nouvelle assemblée générale avec des questions et projet de résolutions conformes aux règles applicables.
Conseils : voici comment pourrait être présenté cet ordre du jour, sachant que nous avons repris littéralement les postes, dont certains pourraient être inutiles (en l’occurrence le point 6 concernant la désignation d’un bureau de contrôle).
Thème général : réalisation des travaux de ravalement – bâtiment A
- Principe des travaux de ravalement Bâtiment A (vote).
- Choix de l’entreprise (vote) (selon devis joints à la convocation).
- Désignation d’un maître d’œuvre pour la phase exécution (vote), (selon convention d’honoraires jointe à la convocation).
- Souscription d’une assurance dommage ouvrage (vote), (selon proposition de police avec conditions particulières).
- Désignation d’un coordinateur SPS (vote), (selon proposition d’honoraires jointe à la convocation).
- Désignation d’un bureau de contrôle (vote), (obligatoire suivant les dires du syndic), (avec proposition d’honoraires jointe à la convocation).
- Fixation des honoraires du syndic pour ces travaux (vote), (selon proposition d’honoraires jointe à la convocation)
Cette démarche devra être renouvelée pour chacun des 3 bâtiments.