Un code de déontologie peu convaincant
Le décret du 28 août 2015 fixant les règles constituant le code de déontologie des professionnels de l’immobilier a enfin été publié le 30 août. Il est entré en vigueur depuis le 1er septembre 2015.
Comme nous le pensions, ce code s’avère être très peu opérationnel. La plupart des dispositions sont peu explicites et souvent d’ordre général, n’impliquant quasiment aucune nouvelle obligation concrète à l’égard des cabinets de syndics.
Ce résultat, sans grande surprise, s’explique tout simplement par le fait que ce Code a été élaboré par le CNTGI (Conseil National de la transaction et de la Gestion Immobilières) qui est – rappelons-le – majoritairement composé de professionnels de l’immobilier dont est titulaire, entre autre, le Président du premier syndic de France, qui est aussi Président de Plurience (Association regroupant les plus gros cabinets de syndic).
Élément encore plus inquiétant, ce code contraint à présent les professionnels de l’immobilier à un « silence » interdisant toute critique à l’égard de la profession ou d’un confrère.
Nous allons donc à travers cet article en deux parties reprendre dans un premier temps toutes les dispositions manquantes dans ce Code, et ce malgré les revendications de l’ARC auprès des pouvoirs publics, ainsi que celles qui peuvent s’avérer contraires aux intérêts de la Copropriété (avec un grand C).
Dans un deuxième temps, nous analyserons dans une seconde partie réservée aux adhérents collectifs les dispositions dont le syndicat de copropriétaires pourra à présent se prévaloir.
Partie I : les dispositions manquantes ou contraires aux intérêts du syndicat de copropriétaires
Ce Code de déontologie s’applique à l’ensemble des professionnels exerçant une activité de transaction, de gestion d’immeubles ou de fonds de commerce.
À ce titre, ce Code ne parle pas expressément des syndics, mais des « professionnels ». De la même façon, ce Code n’utilise pas le terme de syndicats de copropriétaires, mais de « mandants ». Néanmoins, pour une meilleure compréhension, nous allons aborder ce dossier en parlant de syndic et de syndicat de copropriétaires.
Le principal grief fait à ce Code de déontologie concerne son manque de précision dans les obligations invoquées.
Par ailleurs, plusieurs dispositions, qui auraient pu améliorer les relations entre syndics et copropriétaires, sont manquantes.
Nous allons donc reprendre l’ensemble de ces insuffisances.
1. Des dispositions peu explicites
L’article 2 du code de déontologie qui s’intitule « éthique professionnelle » comporte deux dispositions. La première indique que « le syndic exerce sa profession avec conscience, dignité, loyauté, sincérité et probité.»
Pas moins de cinq qualificatifs successifs sans indiquer pour autant quelles nouvelles obligations concrètes cela implique pour le syndic. On se contente d’enfoncer des portes ouvertes.
Le second article présente la même imprécision lorsqu’il affirme que « le syndic s’interdit tout comportement, action ou omission susceptible de porter préjudice à l’ensemble de la profession ».
Là encore, on peut s’interroger sur la portée d’une telle disposition et sur les nouvelles obligations qui incombent au syndic.
Cela était d’autant plus impératif à préciser compte tenu de l’article 3 qui mentionne que « le syndic doit agir dans le strict respect des lois et textes réglementaires en vigueur ainsi que des dispositions du présent code ».
Certains syndics vont donc profiter de la mention « strict » pour affirmer que toute disposition qui n’est pas strictement prévue dans ce code de déontologie n’est pas obligatoire.
On peut aussi encore relever des formulations imprécises telles que « dans les meilleurs délais » ou bien « dans un délai raisonnable ». Il y aura donc, comme toujours, des syndics qui vont s’exécuter dans l’heure et d’autres dont les actions s’étaleront dans le temps avec des délais de plusieurs semaines sans que ce Code n’y apporte un cadre.
2. Une absence de transparence à l’égard du conseil syndical
Ce code ne prévoit aucune obligation de transparence de la part du syndic vis-à-vis du conseil syndical. Cela est regrettable, sachant que ce dernier a une mission légale de contrôle et d’assistance que les syndics ne facilitent pas toujours.
Par ailleurs, ce code de déontologie ne prévoit aucune obligation pour le syndic d’informer le syndicat de copropriétaires et encore moins le conseil syndical sur les évolutions statutaires de son cabinet ou bien encore sur l’identité de ses associés.
Cela est d’autant plus inacceptable que le contrat de mandat de syndic est basé sur l’« intuitu personae », c’est-à-dire qu’il est censé être conclu en prenant en considération l’identité de la personne morale du syndic.
On peut aussi remarquer l’absence d’obligation faite au syndic de transmettre le rapport réalisé chaque année par la caisse de garantie. Ce dernier a pour but d’analyser la gestion financière du cabinet et d’identifier les éventuelles anomalies voire, dans les cas les plus graves, les infractions.
Cela aurait pourtant permis aux copropriétaires d’être informés sur la bonne tenue comptable et financière du cabinet ou, au contraire, d’être alertés en cas de dysfonctionnement important. Une telle information aurait alors permis aux copropriétaires de prendre leurs dispositions dans le cas où le maintien de ce cabinet en tant que syndic de la copropriété présenterait des risques pour la copropriété.
Néanmoins, malgré cette absence d’obligation express, nous verrons à travers la deuxième partie comment le syndicat de copropriétaires peut tout de même se prévaloir de certaines dispositions du code de déontologie pour obtenir le rapport émis par la caisse de garantie.
3. Une confraternité qui risque d’être dommageable pour la Copropriété
Le Code comprend un article 10 s’intitulant « confraternité ». Cette disposition, qui est présentée comme un moyen pour harmoniser la profession peut s’avérer être extrêmement préjudiciable, aussi bien pour le métier de syndic que pour les syndicats de copropriétaires.
En effet, cet article impose entre autre aux professionnels de l’immobilier de « s’abstenir de toute parole ou action blessante ou malveillante, de toute démarche ou manœuvre susceptible de nuire à leurs confères, les dénigrer ou les discréditer ».
Mais encore, les syndics ne peuvent plus émettre un avis sur les pratiques professionnelles d’un confrère sans avoir été préalablement saisis d’une demande.
Ces mesures impliquent donc qu’un syndic ne pourra plus émettre de critiques à l’égard d’un confrère ou bien se présenter comme étant plus transparent ou réactif que son concurrent.
Cette confraternité est donc l’instauration d’un « pacte de non-agression » voire même d’une solidarité entre professionnels, dans les diverses communications des syndics prohibant toute polémique ou mauvaise publicité de la profession. Cette disposition est surtout bénéfique pour les gros cabinets de syndic qui pourront ainsi continuer à réaliser des abus ou des illégalités sans que les petits cabinets indépendants ne puissent critiquer leurs pratiques.
La mission de l’ARC qui consiste, entre autre, à dénoncer les pratiques abusives ou illégales des syndics est donc plus que jamais nécessaire.
4. Un code de déontologie en vigueur, mais sans instance pour sanctionner les manquements
Comme le prévoit la loi ALUR, confirmée par l’article 12 du Code de déontologie, la commission de contrôle aura la charge d’engager des poursuites et de sanctionner tout manquement aux textes de lois ou réglementaires ainsi qu’aux obligations fixées par le code de déontologie.
Néanmoins, à l’heure actuelle, cette commission de contrôle n’est toujours pas constituée. On peut alors s’interroger sur l’instance qui est actuellement compétente pour sanctionner l’ensemble de ces éventuels manquements.
Par ailleurs, il sera intéressant de suivre qu’elles seront les personnes désignées pour siéger au sein de cette commission de contrôle.
L’ARC a déjà annoncé et confirmé qu’elle souhaite en faire partie afin de défendre les intérêts des syndicats de copropriétaires.
La seconde partie de ce dossier est disponible en téléchargement (ci-dessous) pour nos adhérents collectifs après connexion à l’espace adhérent du site. |
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