Retour sur un problème récurrent : les assemblées générales ; syndic et « pouvoirs » illégaux ; les pouvoirs issus des mandats de gestion locative
Comme vous le savez, le syndic ou ses préposés ne peuvent détenir de pouvoirs pour représenter un copropriétaire, quand bien même ils seraient eux-mêmes copropriétaires sur un immeuble géré par leur cabinet (article 22 de la loi du 10/07/1965).
I - L’absence de précision des textes
Mais alors, que se passe-t-il lorsque le syndic dispose de mandats de gestion locative sur une copropriété qu’il gère ?
Malheureusement, on constate très souvent que le syndic établit lui-même des pouvoirs pour les lots dont il possède la gestion, et les confie donc lui-même à des personnes qu’il choisit (qui bien sûr voteront pour le syndic en cas de mise en concurrence, et toujours en faveur de ce dernier…).
Evidemment on nous sert toujours le même discours : « Ce n’est pas le gestionnaire qui a transmis le pouvoir, mais la personne du service location, donc nous respectons les textes ! ».
Faux : l’employé, quand bien même exerçant au sein du service location, est également « préposé » du syndic puisque généralement salarié de la même entité juridique, à savoir l’agence immobilière.
II - Alors, on peut ou on ne peut pas ? La précision de la Cour d’Appel
Résumons : le syndic ne peut recevoir de mandat de représentation, ni ses préposés. Dès lors, on peut considérer qu’il n’a pas non plus qualité à subdéléguer un mandat, ou en établir pour les lots dont il assure la gestion.
En effet, si le syndic ne peut représenter un copropriétaire afin d’éviter des situations de conflit d’intérêts, il semble logique qu’il ne puisse pas confier un pouvoir à la personne de son choix, puisqu’il lui suffirait de lui transmettre des intentions de vote pour qu’au final cela revienne au même.
Le syndic, n’ayant pas qualité à recevoir de mandat, n’a alors en effet pas qualité à déléguer un mandat.
C’est d’ailleurs ce qu’a retenu le Juge dans un arrêt de la Cour d’Appel de Montpellier en date du 07/09/2010 (N° 09-06709) : « Attendu que l’article 22 de la loi du 10 juillet 1965 dispose que le syndic ne peut recevoir de mandat pour représenter un copropriétaire, Que ce texte prohibe la pratique qui consiste à établir des pouvoirs en blanc adressés au syndic qui les distribue à des mandataires choisis par lui,
[…]
Attendu que deux pouvoirs ont été établis au nom de « LAMY » [Note de l’ARC : devenu NEXITY], qu’un pouvoir a été établi au profit du « président du syndic »,
[…]
Que le syndicat des copropriétaires soutient qu’il ne peut y avoir nullité dès lors que le syndic ne les a pas utilisés mais qu’ils ont fait l’objet d’une subdélégation conforme au mandat, Attendu que seule une personne régulièrement investie du mandat peut subdéléguer une autre personne pour l’accomplissement de ce mandat,
Que le mandat donné à la Société Lamy étant irrégulier comme interdit par la loi, celle-ci ne peut avoir subdélégué un tiers pour son exécution,
Qu’au demeurant le texte interdit au syndic « de recevoir mandat » ;
Que si la jurisprudence prohibe la pratique des mandats en blanc distribués par le syndic, doit être à fortiori censurée la pratique consistant pour le syndic à distribuer à des tiers des mandats qui lui ont été délivrés personnellement,
[…]
Qu’il en résulte que l’assemblée générale s’est tenue et que ses délibérations ont été adoptées avec usage de mandats irréguliers,
[…] »
III – Conclusion
On l’a vu, un syndic ne peut subdéléguer de mandat que lui aurait confié un copropriétaire. Ceci résulte du fait - comme le souligne la Cour d’Appel - que le syndic ne pouvant exercer la représentation d’un copropriétaire au titre du mandat de gestion locative qui lui confierait la capacité à le représenter lors des assemblées générales, ce même syndic ne peut établir ou déléguer un pouvoir à un tiers.
IV – Appel à témoignage
Nombre de situations illégales ont déjà été rencontrées par des adhérents, certains syndics n’hésitant pas à :
- confier des pouvoirs à un employé du « service location » ;
- confier des pouvoirs à des tiers ou à un copropriétaire « bienveillant » (pour lui...) avant l’AG ;
- voire même confier des pouvoirs à des gérants ou employés de sociétés qu’ils font travailler, en tant « qu’échange de bons procédés ».
Cette dernière pratique semble assez fréquente, les syndics se disant bêtement « Impossible de prouver que ce soit moi qui ait donné le pouvoir au gérant de l’entreprise, le copropriétaire étant libre de choisir la personne de son choix ».
En effet, rien n’interdit à un prestataire de détenir des pouvoirs et d’assister à des AG de copropriétés sur lesquelles il intervient. Il est néanmoins fort surprenant qu’à chaque fois, le prestataire ne joue un rôle que de « porteur de pouvoirs » et vote toujours en faveur du syndic en place… Certains gérants ou employés de sociétés intervenantes pour le syndic étant parfois « forcés » de devenir « complices » des syndics au risque de perdre des marchés.
Il ne faut pas pour autant prendre les copropriétaires pour des sots, car il leur est tout à fait possible d’établir une attestation certifiant qu’ils n’ont pas confié eux-mêmes leur pouvoir à telle personne, mais qu’il s’agit du syndic…
Nous lançons donc un appel à témoins au sujet de cette pratique illégale, et attendons avec impatience vos récits que nous relaierons pour informer tous nos lecteurs, comme d’habitude.