Mise en fourrière : comment la responsabilité du syndic FONCIA MANSART a été mise en cause

02/02/2018 Dossier

Le nombre de véhicules garés dans une copropriété génère souvent des tensions, en raison, d’un nombre de places souvent insuffisant et donc de stationnements anarchiques sur les parties communes.

 

Des solutions existent, mais leur mise en œuvre suppose de faire preuve de minutie, pour ne pas exposer le syndic, voire le syndicat des copropriétaires, à une action judiciaire en réparation par le propriétaire du véhicule enlevé.

 

Voyons ensemble ce cas concret, survenu avec FONCIA MANSART.

 I. Les obligations des automobilistes dans une résidence en copropriété et les solutions en cas de manquements à celles-ci

La circulation et le stationnement dans une copropriété sont principalement régis par le règlement de copropriété et non le Code de la route (art. R 110-1 du Code de la route).

 

Ce principe connait cependant une exception notable, à savoir la possibilité pour les services de police, de gendarmerie (un officier de police judiciaire), ou le maire de faire intervenir la fourrière sur une copropriété afin d’enlever un véhicule à la « demande du responsable des lieux », le syndic au nom du syndicat (art. L 325-12 du Code de la route).

 

Et ce texte précise les deux cas pour lesquels la mise en fourrière peut être requise, à savoir un véhicule :

 

- « laissé sans droit », cela signifie garé pour ne pas dire abandonné sur une partie commune de la copropriété qui n’est destinée à cet effet dans le règlement de copropriété ou suite aux aménagements votés par l’assemblée générale;

 

- « privé d’éléments indispensables à son utilisation normale et insusceptible de réparation immédiate », autrement dit une automobile « épave ».

 

Autrement dit, à défaut de suppression de l’irrégularité par l’automobiliste dans un délai déterminé, suite à une mise en demeure notifiée par le syndic, ce dernier peut requérir des services de police et de gendarmerie, l’intervention de la fourrière pour l’enlèvement du véhicule.

 II. Les obligations du syndic : il ne peut mettre en cause un véhicule que s’il est garé en violation du règlement de copropriété

Dans le cas en question, une résidence en copropriété sise à Trappes (78) a pour syndic, FONCIA MANSART.

Ce dernier interroge le commissariat de Trappes et demande l’identité du propriétaire d’un véhicule garé de manière permanente sur les parties communes.

Le commissariat communique l’identité du propriétaire du véhicule au syndic, et quelques mois plus tard la police municipale procède à l’enlèvement du véhicule, puis à sa vente à une casse automobile.

En réalité, le véhicule était garé sur un emplacement de stationnement privatif.

 

N’ayant jamais été informé au préalable, son véhicule ayant été enlevé puis vendu, le copropriétaire et automobiliste assigne alors le syndic FONCIA MANSART en réparation de son préjudice financier et moral.

Le T.G.I. de Versailles, n’ayant pas fait droit à sa demande, ce copropriétaire conteste ce jugement auprès de la Cour d’Appel de Versailles. Cette dernière, dans son arrêt n° 16 - 01287 du 23 novembre 2017 casse la décision de première instance.

 

Les juges reconnaissent la faute du syndic FONCIA MANSART, qui a d’ailleurs tenté de se décharger de sa responsabilité sur le syndicat des copropriétaires et la police, et le condamne personnellement à indemniser le préjudice du copropriétaire sur le terrain de la responsabilité civile délictuelle (art. 1240 du Code civil) :

 

«… La société Foncia Mansart fait valoir, que le courrier de demande de renseignement est imputable au syndicat de copropriétaires qu'elle ne fait que représenter et non pas au syndic, et que l'enlèvement et la destruction du véhicule résultent de l'initiative des services de la police municipale de Trappes.

Il est de principe qu'un copropriétaire a la possibilité d'agir en responsabilité directement contre le syndic pour faute commise en dehors, mais également dans le cadre de sa mission. Le syndic, investi du pouvoir d'administrer et conserver l'immeuble en copropriété, est ainsi responsable à l'égard de chaque copropriétaire des fautes commises dans l'accomplissement de sa mission, ce qui condamne donc l'exigence que la faute commise par le syndic soit détachable de la fonction.
En conséquence, la société Foncia Mansart est mal fondée à soutenir que M. D. ne pourrait agir que contre le syndicat des copropriétaires. »

 

Il est certain que la société FONCIA MANSART a commis une faute en écrivant au commissariat de police de Trappes pour demander les coordonnées du propriétaire d'un véhicule dont elle prétendait à tort qu’il était stationné sur les parties communes.

 

Il lui suffisait en effet de vérifier au préalable la réalité du stationnement « sauvage » sur des parties communes, puis de solliciter le propriétaire de cet emplacement de parking pour obtenir l'information qui lui faisait défaut.

Nous avons également relevé que le syndic ne fournit aucune explication sur le motif qui l’a conduit à s’intéresser à ce cas.

 

C'est d'ailleurs ce que lui a fait remarquer le commandant de police par courrier du 5 octobre 2011 adressé à FONCIA MANSART dans lequel il écrit notamment :

« Le propriétaire en question n'a été destinataire d'aucun courrier de votre part afin de le mettre en demeure de déplacer son véhicule alors que vous saviez, avant de nous solliciter, qui en était le propriétaire. Vous aviez donc tout loisir de l'informer de la procédure qui risquait d'être mise en place. Les échanges que vous avez entretenus avec lui prouvent d'ailleurs que vous étiez en possession de ce renseignement. Je vous rappelle que cet emplacement de parking est la propriété de l'intéressé et que, par conséquent, il est en droit d'y laisser sa voiture aussi longtemps qu'il le désire. Ce véhicule n'était donc pas stationné dans les parties communes comme vous l'avez déclaré dans votre lettre du 9 février dernier. Par conséquent nous sommes en présence de propos mensongers ou pour le moins erronés qui n'engagent que vous et pour lesquels vous devez en assumer les conséquences pécuniaires. »

 

La cour d’appel en a donc déduit :

 

« En conséquence, il apparaît que le courrier que la société Foncia Mansart a écrit le 9 février 2011 en dénonçant une situation inexacte au commissariat et sans prendre la peine au préalable de contacter le propriétaire de l'emplacement de stationnement en cause a bien été à l'origine de l'enlèvement injustifié du véhicule puis de la destruction du véhicule de M. D. sans ce courrier sollicitant par ailleurs des renseignements qu'elle n'avait pas qualité pour obtenir, ce dommage ne se serait pas produit, quand bien même d'autres éléments ont concouru à sa réalisation. »

 

Plus fort encore, le syndic connaissait parfaitement la situation du véhicule en cause puisque le 14 octobre 2009, il avait écrit au propriétaire afin de lui signaler que sur son parking 111 se trouvait un véhicule poussiéreux dépourvu d'attestation d'assurance valide. C’est la preuve soit d’un manque de suivi soit d’une mauvaise foi du syndic…

 

Un syndic doit être très vigilant quand il demande des renseignements concernant le propriétaire d’un véhicule et/ou quand il sollicite de l’officier de police judiciaire l’enlèvement d’un véhicule.

 

Il convient de préciser que FONCIA MANSART s’est limité à ce courrier demandant un renseignement.

Le syndic n’a pas demandé l’enlèvement du véhicule. C’est la police municipale qui est à l'initiative de l'enlèvement du véhicule, comme précisé dans un courrier, cela : « résulte d'une convention de coordination entre ce service et le commissariat afin d'agir plus promptement à la demande des bailleurs et donc de répondre à votre attente dans les meilleurs délais. »

 

Mais la cour a considéré que ce courrier était une des causes sans laquelle ce préjudice ne serait pas arrivé, et que cela suffisait pour mettre en jeu la seule responsabilité du syndic et pas celle de la police municipale.

 

Avant de solliciter l’intervention de la fourrière, via les services de police, le syndic doit impérativement vérifier que le véhicule stationne en toute irrégularité, c’est-à-dire « sans droit, ni titre » ou se trouve en état « d’épave ».