L’article 59 bis M de la loi ELAN est venu introduire un nouvel article 17-1 A dans la loi du 10 juillet 1965 qui donne à présent une possibilité de vote par correspondance ou de tenue de l’assemblée générale par visioconférence.
Ce dernier point doit faire l’objet d’un décret impliquant qu’il ne puisse pas entrer en vigueur pour les prochaines assemblées générales.
En revanche, dès la publication de la loi ELAN, le vote par correspondance pourra être effectif.
Ces solutions sont présentées comme étant un moyen d’augmenter la participation aux votes des résolutions présentées à l’ordre du jour permettant entre autre d’accélérer la réalisation de travaux.
Néanmoins, ces solutions, qui paraissent être une avancée, risquent de provoquer des problèmes sous-jacents, entraînant au final un blocage dans la prise de décisions.
Expliquons tout d’abord le dispositif du vote par correspondance pour ensuite mettre en exergue les problèmes que cela risque d’entraîner.
I. Un vote par correspondance cadré par la loi ELAN
Un des problèmes relevés par les Ministères de la Justice et de la Cohésion des Territoires est le taux d’absentéisme des copropriétaires en assemblée générale.
Plusieurs raisons sont invoquées, réunions trop longues, trop de tensions entre copropriétaires, longueurs administratives…
Selon nous le problème est plus profond et s’explique aussi par une inefficacité des syndics, voire une méfiance à leur égard des copropriétaires les dissuadant alors de se rendre en assemblée générale.
Face à ce constat, le Gouvernement a réfléchi à de nouvelles solutions moins contraignantes qui permettraient aux copropriétaires de donner leur avis sans nécessairement se déplacer physiquement en assemblée générale.
La première solution proposée est d’autoriser le vote par correspondance.
Ce dispositif implique que le syndic joigne à l’ordre du jour un formulaire dans lequel il pourra pour chaque résolution soumise, indiquer son vote « pour », « contre » ou « abstention ».
Ce document sera alors renvoyé au syndic avant la tenue de l’assemblée générale qui comptabilisera les voix.
L’article 59 bis M précise que le vote « abstention » donné dans le cadre du vote par correspondance équivaut à un vote « contre ».
Ce dispositif pose déjà un problème puisqu’à présent, le vote « abstention » n’aura pas le même effet s’il est donné au cours de l’assemblée générale puisqu’il équivaut à un vote neutre, alors que dans le cadre du vote par correspondance il équivaut à un vote « contre ».
Il s’agit donc d’un dispositif à deux vitesses.
Plus encore, ce même article précise que si la résolution proposée initialement à l’ordre du jour a subit une évolution substantielle au cours de l’assemblée générale, le vote « pour », qui a été donné dans le cadre du vote par correspondance, devient un vote « contre ».
La question qui reste donc en suspens et qui va sûrement créer de nouveaux et nombreux contentieux est l’appréciation du terme « substantielle ».
Quant à l’assemblée générale par visioconférence, elle consistera à y participer de manière dématérialisée.
Un décret devra fixer les modalités techniques, mais on peut déjà prévoir l’objet des contestations notamment en cas de coupure de réseau internet inopinée soit au lieu de l’assemblée générale, soit chez le copropriétaire qui pourra lors évoquer une incapacité à exprimer ses voix.
Comme on le constate, c’est derrière les détails que se cachent les problèmes, voire pire des effets dangereux pour la bonne gestion des copropriétés.
Voyons cela plus en détail.
II. Des choix fixes sur des résolutions évolutives
Pour bien comprendre le problème il est important d’avoir deux idées en tête :
- L’assemblée générale n’est pas uniquement un bureau d’enregistrement des décisions mais un lieu de débat ou chaque copropriétaire peut émettre son avis, voire son analyse sur le choix des entreprises, des contrats ou encore sur le coût des interventions.
- Le corollaire du point précédent est que la résolution initialement proposée à l’ordre du jour peut évoluer en fonction des débats et des décisions prises par l’assemblée générale.
Or, la solution de vote par correspondance interdit les débats et impose aux copropriétaires de faire un choix sur une résolution proposée à l’ordre du jour sans pouvoir la faire évoluer.
Ainsi le risque est qu’à défaut d’avoir obtenu du conseil syndical ou d’un tiers (architecte, avocat, ingénieur…) des informations complémentaires, les copropriétaires soient tentés d’opter pour les propositions commerciales les moins-disantes qui riment souvent avec mauvaise qualité de prestation.
Cela peut concerner les travaux, les contrats d’entretien, mais aussi les contrats de syndic, incitant les cabinets à proposer des solutions low-cost qui ont déjà fait la preuve de leur inefficacité.
Il s’agit en réalité d’une très mauvaise nouvelle pour les vrais professionnels, et en particulier des syndics qui risquent de se retrouver en difficulté face à la mauvaise concurrence.
Face à ce risque, l’ARC devra redoubler d’ingéniosité pour permettre aux conseillers syndicaux de diffuser aux copropriétaires la bonne information, afin que le vote par correspondance ne soit pas un fiasco pour les copropriétés.
Voilà pourquoi ces solutions, qui peuvent paraître en premier lieu séduisantes, trouvent rapidement leurs limites.