L’ARC saisit les ministères de la Justice et du Logement concernant les dérives du vote par correspondance

13/11/2018 Actions Action

L’article 59 bis M de la loi ELAN a introduit un nouvel article 17-1 A dans la loi du 10 juillet 1965 qui ouvre une possibilité pour les copropriétaire de voter par correspondance aux résolutions portées à l’ordre du jour.

Le principe consiste à joindre à l’ordre du jour un formulaire qui permet aux copropriétaires, pour chaque résolution soumise, de voter soit « pour », soit « contre », soit « abstention » et ensuite d’envoyer ce document au syndic.

Néanmoins, ce même article prévoit un statut différent du vote « abstention » donné par voie de correspondance par rapport à celui formulé au cours de l’assemblée générale.

De plus, cette même disposition précise que si la résolution a évolué de manière « substantielle » au cours de l’assemblée générale, le vote « pour » qui a été donné dans le cadre du vote par correspondance se transforme automatiquement en vote « contre ».

Ces dispositions juridiques peuvent donc entraîner de nombreux contentieux ou du moins des blocages en assemblée générale, ne serait-ce que sur le comptage des voix avec le double régime du vote « abstention » ou encore sur l’appréciation de l’évolution « substantielle » de la résolution.

C’est dans ce cadre que nous avons saisi les ministères de la Justice et du Logement afin de les alerter sur les difficultés que risque d’entraîner cette disposition légale en vue d’apporter de plus grande précisions dans le futur décret d’application.

 

« Objet : Les difficultés du vote par correspondance

Monsieur,

 

En tant que Directeur Général de la principale association nationale représentative des intérêts des syndicats des copropriétaires, nous souhaitons vous saisir concernant l’article 59 bis M de la loi ELAN qui a introduit un  nouvel article 17-1 A dans la loi du 10 juillet 1965. Ce dernier donne la possibilité aux copropriétaires de voter par correspondance.

Selon nous, cette disposition prévoit un cadre juridique qui risque d’entraîner de nombreuses difficultés pouvant induire des contestations judiciaires d’assemblée générale.

Tout d’abord, elle précise que le vote « abstention » donné dans le cadre du vote par correspondance équivaut à un vote défavorable. Autrement dit, il doit être comptabilisé comme un vote « contre ».

Or, au cours de l’assemblée générale, ce même vote « abstention » qui serait formulé par un copropriétaire est considéré comme neutre, n’ayant aucun impact direct sur les résultats des votes.

Cet article a donc introduit pour un même type de vote un régime à deux vitesses ce qui nous paraît contraire au principe d’équité des votes.

A titre d’illustration, les votes de résolutions qui imposent la majorité absolue des voix des copropriétaires impliqueraient que le vote « abstention » donné par voie de correspondance serait comptabilisé dans le quorum des votes « contre », alors que ce même vote donné au cours de l’assemblée générale serait sans effet.

Par ailleurs, ce même article précise que dans le cas où la résolution proposée à l’ordre du jour a évolué de manière « substantielle » au cours de l’assemblée générale, les votes « pour » qui ont été donnés par voie de correspondance se transforment automatiquement en vote « contre ».

Cela paraît incohérent, sachant que même si la résolution a évolué de manière substantielle cela n’équivaut pas forcément à une contestation du copropriétaire, entraînant que son vote « pour » donné par voie de correspondance se transforme en vote « contre ».

A titre d’illustration, le copropriétaire qui a voté favorablement pour un taux de rémunération du syndic pour le suivi de travaux à 5 % ne sera pas nécessairement défavorable si en définitive l’assemblée générale vote 4 %. Bien au contraire, qui peut le plus peut le moins !

Or, selon la lecture stricte de l’article 59 bis M de la loi ELAN, dans ce cas, le vote « pour » doit être considéré comme « contre ».

Mais encore, comment apprécier valablement la notion d’évolution « substantielle » de la résolution ?

Ce flou juridique risque d’entraîner des blocages au cours de l’assemblée générale, surtout en cas de divergence entre les copropriétaires et le syndic sur le caractère substantiel de l’évolution de la résolution.

A défaut de précisions de ce texte de loi, cela va certainement entraîner des recours judiciaires en contestation d’assemblée générale, provoquant un retard dans la mise en application des décisions votées qui peuvent concerner notamment les travaux de rénovation, y compris énergétiques.

C’est face à cette situation que nous souhaitons vous alerter en vous demandant soit de nous apporter plus de précisions sur le principe du vote « abstention », formulé par voie de correspondance, et surtout sur la notion « d’évolution substantielle » de la résolution.

Afin d’éviter toute ambiguïté, il serait souhaitable que dans le cadre du futur décret d’application, qui est censé définir le formulaire de vote par correspondance et ses modalités de remise au syndic, ces difficultés soient traitées.

Je vous prie de croire, Monsieur, en l’assurance de ma très haute considération.

 

Emile HAGEGE,

Directeur Général de l’ARC »