Qu’est-ce que la procédure d’alerte ?
En 2009, afin d’agir en amont des difficultés des copropriétés et à moindre frais, un outil de droit commun, la procédure d’alerte, a été introduit dans la loi du 10 juillet 1965. Cette nouvelle procédure permet d’agir dès que le taux d’impayés atteint 25% pour les copropriétés jusqu’à 200 lots (ou 15% dans les copropriétés de plus de 200 lots).
Elle permet, à la demande du syndic ou de 15% des copropriétaires, la nomination d’un mandataire ad hoc [avocat] par le juge chargé de réaliser un diagnostic de la copropriété et d’établir des préconisations visant à réduire les facteurs de risques de dégradation identifiés (ex : procédures judicaires à mettre en place contre les impayés, travaux à réaliser, avances de solidarité à faire voter, etc.). Ceci aboutit à l’inscription de questions à l’ordre du jour de la prochaine assemblée générale
- CONTEXTE ET OBJECTIFS DU PROJET : TESTER UN OUTIL EN FAVEUR DES COPROPRIETES FRAGILES
Depuis 2009, cette procédure n’était cependant que peu utilisée et ce pour deux raisons :
- d’une part, la crainte des syndics que les investigations du mandataire ad hoc ne révèlent leurs carences, voire leurs fautes et n’engagent leur responsabilité ;
- d’autre part, les difficultés des copropriétaires face à des procédures judicaires complexes à mettre en oeuvre.
La loi ALUR (24 mars 2014) a renforcé la procédure d’alerte en permettant aux collectivités elles-mêmes de demander la nomination d’un mandataire ad hoc pour les copropriétés fragiles de leur territoire.
C’est suite à cette modification législative et la parution de son décret d’application que l’ARC a proposé de lancer un projet expérimental auprès de la fondation Abbé Pierre et la fondation de France.
L’objectif du projet, mené de mai 2015 à juin 2017, était triple:
- Convaincre les partenaires de l’utilité du déclenchement de la procédure d’alerte : collectivités, tribunaux et mandataires ad hoc eux-mêmes. La loi ne prévoit pas que les conseillers syndicaux (ou une part des copropriétaires) soit associés à cette démarche. Il nous a cependant semblé évident de les associer dès l’origine du projet afin que les recommandations du mandataire ad hoc ne restent pas lettre morte.
- Tester la « nouvelle » procédure d’alerte:
- connaître son fonctionnement (modalités de saisine, délais, déroulement de l’audience);
- mettre au point des cahiers des charges définissant les missions des mandataires ad hoc adaptés aux situations rencontrées.
- Accompagner les collectivités en établissant une feuille de route méthodologique pour le déclenchement de la procédure.
- QUEL BILAN TIRER DE CETTE EXPERIMENTATION ?
Malgré la rencontre de plus de 10 collectivités et conseils syndicaux, ainsi que le développement d’un argumentaire solide en faveur de la procédure d’alerte, seules deux procédures ont été déclenchées sur le territoire d’Est-Ensemble, au Près Saint Gervais et Pantin. Les facteurs bloquants identifiés relèvent de plusieurs domaines :
- Une procédure judicaire plus lourde que prévue (assignation en la forme des référés et non requête). Le Ministère, auditionné par l’ARC, a en effet souhaité sécuriser la procédure en la rendant «contradictoire », ce qui permet de donner à cette procédure une dimension résolument partenariale. Cependant, à l’épreuve de la réalité, ces modalités judicaires ont freiné les déclenchements auprès des copropriétés fragiles, effrayées par le lancement d’une procédure apparaissant comme trop lourde. De la même manière, les collectivités territoriales sont peu enclines à saisir un avocat, ne serait-ce que pour des raisons budgétaires.
- Des failles dans l’identification des copropriétés fragiles par les collectivités. Ce sont avant tout les copropriétés présentant des difficultés avérées que les collectivités connaissent, et ce en dépit des outils statistiques et autres VOC (Veille et Observation des Copropriétés) mis en place sur certains territoires (voir article « Comment améliorer l’identification des copropriétés fragiles » ?)
- Des ressources non disponibles tant pour les collectivités que les copropriétaires eux même. Pour Est-Ensemble, seule agglomération ayant décidé de travailler sur ce projet, cette expérimentation a nécessité un réel investissement de la chargée de mission : les ressources humaines ne sont en effet pas dimensionnée pour fournir le temps de travail nécessaire au suivi d’une ou des procédures d’alerte. Pour les copropriétaires, même si le prix semble dérisoire, le fait que cette procédure soit payante constitue un obstacle indéniable.
Et que penser du simple fait que ce soit les copropriétaires qui doivent eux-mêmes payer un mandataire ad hoc pour bien souvent combler les défaillances de leur syndic ?
Conclusion:
Dresser un portrait trop noir des résultats de la procédure d’alerte sur les copropriétés concernées serait faux. En effet, si les objectifs initialement attendus d’une telle procédure n’ont pu être atteints, elle a permis dans tous les cas d’apporter des éclairages et des conseils non négligeables aux syndics et aux copropriétaires, permettant de défendre aux mieux les droits de ces derniers.
La vraie question mise en lumière par ce projet porte sur la réévaluation de la stratégie opérationnelle des collectivités : des ressources financières et humaines devraient être mises en place pour permettre une identification des copropriétés fragiles via la procédure d’alerte, par exemple, qui serait alors suivie d’un accompagnement concret et réel des copropriétés le cas échéant. Il s’agirait donc ici avant tout de réaffecter les ressources, aujourd’hui majoritairement centrées sur le curatif et non le préventif…