La DGCCRF confirme que les contrats de syndic ne sont pas toujours conformes et présentent des tarifs élevés

05/12/2017 Actions Action

Depuis l’entrée en vigueur du contrat type nous avons, avec l’association UFC-Que- Choisir, établi un observatoire des contrats de syndic.

Notre constat est sans appel : les contrats présentent des irrégularités importantes, mais, surtout, prévoient des tarifs qui ont littéralement explosés.

Bien évidemment, les chambres professionnelles essaient de tempérer la situation, en disant que l’ARC exagère et que tout va bien dans le meilleur des mondes.

Néanmoins, cela se complique lorsque nous recevons des courriers de la Direction départementale de la protection des populations (DDPP) réitérant la constat de graves abus constatés dans les contrats de syndic.

A présent, c’est au tour de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) de tirer le signal d’alarme en présentant les résultats de son enquête, réalisée en 2016.

I. Un constat sans appel

Voici un extrait des résultats communiqués par la DGCCRF :

« Syndics de copropriété : des tarifs élevés et des contrats pas toujours conformes - 20/11/2017

Le dispositif, instauré par la loi ALUR, destiné à améliorer la lisibilité des prestations des syndics de copropriété et à faciliter la comparaison des offres ne semble pas être encore correctement appliqué par les professionnels.

La dernière enquête de la DGCCRF a mis en évidence une augmentation des tarifs et des pratiques trompeuses dans la rédaction et l’exécution des contrats.

La loi ALUR[1] a réformé en profondeur les règles encadrant les contrats de syndic de copropriété en instaurant notamment un contrat type applicable par tous les cabinets de syndic - dont le contenu est défini par décret [2], des modalités unifiées de facturation des honoraires et l’ouverture d’un compte bancaire séparé propre à chaque copropriété. Ces mesures doivent stimuler la concurrence entre syndics, en facilitant la comparaison des offres par les copropriétaires, et mettre fin aux pratiques trompeuses affectant cette activité.

L’enquête lancée par la DGCCRF en 2016 visait à contrôler les contrats proposés par les syndics professionnels de copropriété soumis au dispositif légal d’encadrement des activités immobilières [3] et notamment à vérifier le respect, par ces professionnels, des nouvelles règles mises en place par la loi ALUR.

Un respect insuffisant de la trame du contrat type

Le contrat du syndic de copropriété, qui doit reprendre fidèlement le contenu du contrat type défini par voie règlementaire, fixe la durée de son mandat, ses dates de prise d’effet et d’échéance ainsi que les conditions d’exécution de son mandat.

Il prévoit aussi la rémunération du syndic sur la base d’un forfait défini à partir d’une liste limitative des prestations exécutées au titre de son mandat.

Selon les résultats de l’enquête, dans la majorité des cas, ce contrat est bien mis en place par les professionnels, mais n’est pas strictement respecté (41 % de taux d’anomalies). Les manquements consistent fréquemment à en supprimer des paragraphes ou des clauses, ce qui est contraire au principe d’un contrat type et rend plus difficile pour les copropriétaires la comparaison entre syndics. En effet, le fait de supprimer une mention au lieu de la rayer (tout en la laissant figurer dans le document) n’est pas conforme à l’objectif poursuivi par la loi d’information complète des copropriétaires quant aux choix offerts par le contrat. Ainsi, dans un tel cas de figure, les copropriétaires ne peuvent s’engager de manière éclairée.

Une augmentation des frais annexes

Les enquêteurs ont constaté une augmentation du niveau des honoraires pour le forfait annuel de gestion courante chez tous les syndics contrôlés.

Elle prend trois formes :

  • une augmentation mécanique correspondant à l’intégration dans ce forfait de frais et de prestations facturés précédemment comme prestations complémentaires (par exemple, la reprographie),
  • une augmentation liée aux nouvelles obligations instaurées par la loi ALUR (création du compte bancaire séparé, du fonds de travaux [4], etc.),
  • et une augmentation à champ constant liée au marché, les prix dans ce secteur d’activité étant libres.

En outre, des irrégularités ont été relevées dans les pratiques de certains professionnels, qui peuvent aboutir à des prestations indûment comptabilisées. Il en va ainsi de l’absence d’indication de la durée et des plages des assemblées générales supplémentaires et du non-renseignement de la durée des réunions, ce qui permet aux syndics une certaine liberté de facturation. Les plages horaires indiquées dans le contrat peuvent ne pas être respectées par certains professionnels, qui facturent des vacations supplémentaires. La clause de révision figure dans une très large majorité des contrats ; toutefois dans certains cas elle ne fait pas référence à un indice, ce qui la rend illicite.

Des écarts importants de prix entre syndics, de l’ordre de 25 %, ont été enregistrés par ailleurs pour les prestations particulières, hors forfait. De nombreuses pratiques interdites ont été constatées telles que la mention de plusieurs coûts horaires selon le niveau hiérarchique du personnel du syndic chargé d’exécuter ces prestations et/ou en fonction des heures ouvrables alors que la réglementation prévoit un seul coût horaire. S’agissant des honoraires pour travaux, certains syndics persistent à utiliser comme assiette le montant TTC des travaux à réaliser pour déterminer leurs honoraires, au lieu du montant hors taxes, comme le prévoit la loi.

(...)

D’autres manquements ont été relevés sur les prestations rendues aux copropriétaires individuellement par exemple, la facturation, non prévue au contrat, d’un état ou pré-état daté [5]. Or, la fourniture d’informations financières devant obligatoirement être annexé aux compromis de vente ne peut être facturée d’office par le syndic sans l’accord exprès du copropriétaire vendeur, y compris lorsqu’ils sont établis à la demande d’un notaire. Ces faits peuvent constituer un délit de vente sans commande préalable.

Depuis la promulgation de la loi ALUR, les syndics de copropriété ont l’obligation d’ouvrir un compte bancaire séparé au nom du syndicat de copropriétaires, sans dispense possible pour les copropriétés de 15 lots et plus. Le conseil syndical peut ainsi vérifier les mouvements intervenus sur le compte et en connaître avec exactitude la situation. Cette obligation, qui peut engendrer des majorations d’honoraires, est souvent jugée trop lourde par les professionnels indépendants qui tardent à la mettre en place alors que les professionnels affiliés à des réseaux sont plus réactifs.

En raison d’un respect insuffisant du contrat type par les professionnels et de nombreux manquements quant à la tarification des prestations, la DGCCRF poursuivra la surveillance de ces prestataires.

[1] Loi ALUR du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et à un urbanisme rénové.

[2] Annexe 1 du décret n°2015-342 du 26 mars 2015 définissant le contrat type de syndic de copropriété et les prestations particulières, prévus à l’article 18-1 A de la loi no 65-557 du 10 juillet 1965 modifiée fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis.

[3] Loi n° 70-9 dite « loi HOGUET » du 2 janvier 1970.

[4] Depuis la loi ALUR, les syndics doivent alimenter un fond de travaux permettant d’anticiper d’éventuels chantiers importants à réaliser dans la copropriété.

[5] Document obligatoire remis au notaire pour la réalisation d’une vente d’un lot de copropriété. »

Voyons à présent l’interview du responsable de la section immobilier au bureau du logement, de l’immobilier, bâtiment et travaux publics de la DGCCRF.

II. 52% des établissements visités étaient en anomalie

« Serge DORÉ, responsable du secteur immobilier au bureau du logement, de l’immobilier, bâtiment et travaux publics de la DGCCRF

Il existerait plus de 7 000 syndics professionnels en France, comment réalisez-vous votre ciblage et quels sont les résultats de la dernière enquête de la DGCCRF ?

Les professionnels de dimension nationale, régionale ou locale ont été contrôlés avec une priorité donnée à ceux faisant l’objet de plaintes ou aux professionnels ayant reçu des avertissements pour des manquements mineurs à l’occasion de contrôles réalisés antérieurement. Pour couvrir à la fois des zones urbaines et rurales, 47 départements ont participé à cette enquête. L’année dernière sur les 290 établissements visités, 152 étaient en anomalie, soit un taux de 52 %. Le non-respect du formalisme du contrat type et l’ajout de clauses abusives représentent plus de 40 % du total des anomalies.

Ces contrôles ont donné lieu à 127 avertissements, 24 injonctions et 4 procès-verbaux. Les investigations visaient en priorité les contrats de syndic, mais des vérifications relatives à l’information des consommateurs et au respect des conditions d’exercice de la profession ont également été réalisées.

Les avertissements ont été suivis de mesures correctives dans la plupart des cas. Toutefois, face au taux élevé d’anomalies, la DGCCRF envisage, pour les enquêtes à venir, des suites plus répressives.

Les copropriétaires disposent-ils d’informations suffisantes pour effectuer une mise en concurrence ?

L’obligation triennale de mise en concurrence des syndics pèse en principe sur le conseil syndical et sur l’Assemblée générale. Dans la pratique, il arrive que les syndics incitent les assemblées générales à voter la dispense de mise en concurrence autorisée par la réglementation (article 21 de la loi du 10 juillet 1965).

S’agissant de l’information sur les prix, les obligations d’affichage dans le secteur (en agence et sur les sites internet) sont relativement limitées. L’arrêté du 3 décembre 1987 s’applique, mais uniquement pour les prestations proposées aux copropriétaires individuellement. Les enquêteurs ont relevé 18 % d’anomalies sur ce point.

Les copropriétaires éprouvent donc toujours des difficultés à faire réellement jouer la concurrence même si l’instauration d’un contrat type a le mérite de faciliter les comparaisons tarifaires.

Comme on le voit à travers cet article et cette interview, la situation est loin d’être assainie avec le maintien d’abus voire d’irrégularités relevés dans les contrats, et ce malgré l’obligation de respecter un modèle type. »

Le constat est à présent unanime. Malgré l’entrée en vigueur du contrat type, les irrégularités et les abus persistent.

Pourquoi ? La réponse est simple.

Ni la loi du  10 juillet 1965 ni le décret du 17 mars 1967 n’ont prévu de sanctions à l’égard des syndics en cas de manquements à leurs obligations légales et règlementaires.

C’est pour cela que l’ARC réclame instamment aux pouvoirs publics la mise en place de la commission de contrôle prévue depuis la loi ALUR du 24 mars 2014, qui n’a toujours pas vu le jour.