La Cour de cassation confirme que le syndic n’a pas à apprécier l’utilité ou l’opportunité d’une résolution proposée par un copropriétaire

21/12/2018 Actions Action

Les interrogations sur la régularité de l’assemblée générale sont fréquentes, face aux refus du syndic d’inscrire, à l’ordre du jour, une question notifiée par un copropriétaire.

La Cour de cassation a rendu un arrêt intéressant le 13 septembre 2018, qui précise bien le peu de latitude dont bénéficie le syndic pour refuser de porter à l’ordre du jour une proposition de résolution notifiée par un copropriétaire.

I. Les obligations du syndic

Tout copropriétaire ou le conseil syndical peut notifier au syndic la question (son projet de résolution et les pièces nécessaires à son adoption) qu’il souhaite porter à l’ordre du jour de l’assemblée générale (art. 10 du décret du 17 mars 1967).

Cet article précise aussi que cette notification (en principe une lettre recommandée avec accusé de réception) contraint le syndic à inscrire la question à l’ordre du jour de l’assemblée générale, à savoir :

  • à la prochaine, si les convocations ne sont pas parties et que le syndic a la faculté de l’intégrer tout en respectant le délai minimal de 21 jours, entre la notification de la convocation aux copropriétaires et la date de tenue de cette réunion du syndicat ;
  • à la suivante, s’il n’est pas en mesure de l’intégrer dans la convocation, entre autre car elle est déjà partie.

Cet article ne laisse aucune faculté au syndic d’écarter la résolution pour un motif d’opportunité.

II. Les sanctions judiciaires contre le syndic en cas de refus d’inscription d’une question à l’ordre du jour

Selon une jurisprudence constante, le refus d’inscription d’une question à l’ordre du jour de l’assemblée générale régulièrement notifiée par un copropriétaire au syndic  constitue une faute du syndic, qui peut engager sa responsabilité à l’égard du copropriétaire demandeur, si cela lui cause un préjudice.

Ce refus ne représente pas un motif de nullité de l’assemblée générale au regard du principe de spécificité de chacune des questions. Par contre, s’il est démontré que son inscription aurait pu influer sur une résolution adoptée, alors il est possible d’obtenir l’annulation de cette dernière résolution.

L’exemple type est l’élection d’un syndic, sans mise en concurrence, alors que le copropriétaire avait notifié la proposition de contrat de mandat d’un autre syndic.

En l’espèce, dans une résidence sise à Viry Châtillon (Essonne), deux copropriétaires notifient au syndic diverses questions à porter à l’ordre du jour de l’assemblée générale annuelle.

Ce dernier en écarte une : le remboursement des frais de consultation d’un avocat qu’ils ont sollicité en tant que conseillers syndicaux, considérant que celle-ci fait doublon avec le projet de résolution sur l’approbation des comptes clos du syndicat intégrant cette dépense.

Ces copropriétaires invoquent entre autre ce motif pour requérir judiciairement l’annulation de l’assemblée générale dans son intégralité.

Le Tribunal de Grande Instance d’Evry et la Cour d’appel rejettent cette demande. La Cour de cassation, saisie par ces deux copropriétaires, rend le 13 septembre 2018 l’arrêt n°17-22124 qui a retenu toute notre attention.

 « […] Attendu que, pour rejeter la demande (annulation de l’assemblée générale), l'arrêt retient que la question dont MM. X... et Y... demandaient l'inscription à l'ordre du jour de l'assemblée générale concerne une dépense qui aurait été intégrée dans les comptes du syndicat des copropriétaires au titre des dépenses courantes d'administration, si, comme ceux-ci l'alléguaient, elle était rentrée dans les prévisions de l'article 27, alinéa 3, du décret précité et n'avait pas en tout état de cause à être approuvée par une résolution d'assemblée générale ;

Qu'en statuant ainsi, alors que le syndic, saisi régulièrement par un copropriétaire d'une demande d'inscription à l'ordre du jour d'une question supplémentaire en application de l'article 10 du décret du 17 mars 1967, est tenu d'y donner suite sans pouvoir apprécier son utilité ou son opportunité, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres moyens :

CASSE ET ANNULE […] »

 

La Cour de cassation reproche donc à la Cour d’appel de n’avoir pas retenu que le syndic avait l’obligation de respecter l’article 10 du décret du 17 mars 1967 et de ne pas avoir statué en conséquence. Elle renvoie ce dossier devant la Cour d’appel.

Il sera intéressant de suivre cette affaire afin de savoir si la Cour d’appel fera droit à la demande des copropriétaires et annulera l’assemblée générale dans sa totalité pour une seule résolution qui aurait été refusée. Ou si effectivement elle considérera que le refus d’une résolution n’est pas légal, mais que ce refus ne justifie pas l’annulation de l’assemblée générale dans son intégralité.

Cet arrêt rappelle cependant à tous les syndics qu’ils n’ont pas à apprécier l’opportunité d’une résolution par un copropriétaire.

Si cela pouvait être suivi d’effet !!!