L’ARC, le choix de la banque et les petits syndics
deuxième chronique :
Pourquoi il faut donner au syndicat des copropriétaires la possibilité de mettre en concurrence la banque du syndic et pourquoi, si la banque du syndic répond aux demandes des copropriétés, il n’y aura aucune raison pour la copropriété d’aller ailleurs ?
Nous avons entamé la semaine précédente une première chronique sur le thème : « Pourquoi le compte unique est-il le plus répandu, alors que le compte séparé est la loi ? Quels sont les principaux abus actuels en matière de faux vrai compte séparé ? ». (Voir : L’ARC, le choix de la banque et les petits syndics. Première chronique : www.unarc.fr/8nrb).
À présent, nous allons aborder une deuxième interrogation, qui est : « Pourquoi il faut donner au syndicat des copropriétaires la possibilité de mettre en concurrence la banque du syndic et pourquoi, si la banque du syndic répond aux demandes des copropriétés, il n’y aura aucune raison pour la copropriété d’aller ailleurs ? ».
Cependant, avant d’y répondre, nous allons traiter une question restée la semaine dernière en suspens : « Pourquoi un compte individualisé ne peut pas être considéré comme un compte séparé ? »
I. Pourquoi un compte individualise ne peut pas être considéré comme un compte sépare ?
Le compte bancaire dit « individualisé » est souvent présenté par les syndics comme la solution la moins coûteuse pour la copropriété et la plus comparable au compte séparé. Certains syndics vont même jusqu'à affirmer de façon mensongère que le compte individualisé est un compte séparé (CITYA, par exemple, y compris en justice, comme nous l’avions vu). Nous allons donc expliquer pourquoi cela est inexact.
En présence d’un compte bancaire individualisé, la copropriété bénéficie d’un compte bancaire dont le libellé est au nom du syndicat des copropriétaires. Elle dispose aussi d’un chéquier et même de la délivrance de relevés bancaires permettant de croiser les informations avec celles du compte « banque » comptable tenu par le syndic.
Cependant, ces modalités restent un leurre, car le compte bancaire individualisé n’est en réalité qu’une subdivision du compte bancaire du syndic. Ainsi, seul ce dernier est détenteur de la totalité des fonds de la copropriété. D’ailleurs, l’inconvénient majeur du compte individualisé est justement le fait que le syndic a un intérêt financier sur les fonds déposés. Plus il y aura d’argent sur les comptes individualisés, plus il percevra des produits financiers. Cela entraîne donc les mêmes effets pervers que pour un compte unique : retards de paiement auprès des fournisseurs, demandes abusives de constitution de comptes d’avances (solidarité, travaux, prévoyance, retard dans les travaux, budgets surévalués, etc. Un compte est dit « séparé » si, et seulement, si le titulaire du compte est exclusivement le syndicat des copropriétaires. Cette position a été confirmée par la jurisprudence.
II. Pourquoi il faut donner au syndicat des copropriétaires la possibilité de mettre en concurrence la banque du syndic ?
L’intérêt de donner aux copropriétaires la possibilité de mettre en concurrence la banque du syndic est avant tout un moyen de garantir une meilleure transparence et une mise en concurrence efficace.
Concrètement, cela entraînera au moins cinq effets vertueux :
- Une meilleure transparence dans la gestion et la tenue du compte bancaire de la copropriété
Si le syndic sait que sa banque peut être mise en concurrence, il donnera au conseil syndical toutes les garanties et les moyens pour qu’il puisse vérifier la bonne gestion et la tenue du compte bancaire (possibilité d’interroger le compte sur Internet en lecture seule, accès aux relevés bancaires, etc..). À défaut il continuera, comme on le constate encore actuellement, de fournir les relevés bancaires après coup.
- Des offres bancaires plus concurrentielles
Certains syndics évoquent le fait que l’ouverture d’un compte bancaire coûte actuellement plus de 250 € par an. C’est ce que prétend par exemple M. Pujol, syndic de copropriété, à un député (la mise en concurrence des banques permettra donc une baisse significative des tarifs, voire même leur gratuité comme cela commence à se faire).
- Renversement de la charge de la preuve
Devant le mutisme des syndics et de leur banque sur la réalité de l’ouverture d’un compte bancaire, les conseillers syndicaux se retrouvent souvent dépourvus de tout moyen pour avoir les réponses à leurs interrogations. Encore récemment, plusieurs établissements bancaires ont invoqué « le secret professionnel » pour éviter de répondre à des questions posées par le conseil syndical qui a pourtant une mission gênante de contrôle. En donnant la possibilité aux copropriétaires de mettre en concurrence la banque du syndic, ce dernier sera contraint - s’il souhaite garder sa banque - d’apporter au conseil syndical toutes les garanties que le compte est bien séparé. De ce fait, la charge de la preuve sera renversée.
- Des services qui seront développés spécifiquement pour les copropriétés
À défaut de créer une réelle concurrence des banques, ces dernières vont se contenter de présenter des offres ou solutions de base. En revanche, la mise en concurrence permettra d’inciter à développer de nouveaux produits tels que le compte courant adossé au livret A, des comptes bloqués jumelés à un compte rémunéré, etc. Par ailleurs, les établissements bancaires seront intéressés à faire avancer la législation en matière de gestion bancaire des copropriétés en défendant de nouvelles réformes telles que « le plan épargne copropriété » (PEC), ou encore suggérer une fiscalité distincte pour les syndicats de copropriétaires.
- Limitation des banques qui vont se spécialiser dans le secteur de la copropriété
Les chambres syndicales des syndics invoquent qu’il n’est pas possible de « gérer » une banque par copropriété.
Bien que cet argument soit déjà une argutie (il n’y a pas de dix banques qui - aujourd’hui - travaillent avec les syndics…), la mise en concurrence va entraîner dans le temps une concentration des établissements bancaires qui vont se spécialiser dans le domaine de la copropriété, limitant de fait le choix des banques. La mise en concurrence des banques ne va donc pas multiplier le choix, mais au contraire concentrer les offres à 5 ou 6 établissements bancaires.
III. Pourquoi, si la banque du syndic répond aux demandes des copropriétés, il n’y aura aucune raison pour les copropriétés d’aller ailleurs ?
Certains administrateurs de biens évoquent le fait que si la loi laissait les copropriétaires choisir leur banque « sans verrou financier», ils opteront automatiquement pour une autre banque que celle du syndic. Ce procès d’intention est bien entendu une ineptie car, comme on peut le constater, certains syndicats ont choisi le courtier d’assurance du syndic pour mettre en concurrence leur contrat d’assurance sans mettre automatiquement en défiance leur syndic. Il serait ainsi simpliste de considérer les copropriétaires comme des personnes immatures qui ne sauraient pas discerner une banque transparente, même si c’est celle du syndic, d’une banque qui travaillerait dans le seul intérêt du syndic.
Répétons-le : il n’est donc pas question de mettre automatiquement la banque du syndic en concurrence. Si le syndic apporte aux copropriétaires toutes les garanties et une réelle transparence sur les transactions bancaires le syndicat des copropriétaires n’aura alors aucun état d’âme à garder la banque du syndic.
Conclusion : si les syndics veulent garder une banque pour des raisons techniques, le bon moyen n’est pas d’empêcher les copropriétés d’aller ailleurs, mais de les convaincre qu’elles auraient tort.