Habilitation donnée au syndic pour "ester" en justice :
attention, la jurisprudence administrative est plus restrictive que la jurisprudence judiciaire
Tout syndicat des copropriétaires peut être confronté à des différends avérés ou potentiels avec des copropriétaires, des cocontractants, voire des tiers, comme ici l’Administration publique.
Ainsi, lorsque la solution amiable n’a pas abouti il ne reste plus que la voie contentieuse, qui se révèle bien souvent complexe, comme l’atteste l’arrêt du Conseil d’État du 3 juillet 2015, dont il est fait commentaire ci-dessous.
I. Les faits
Une copropriété de Marseille apprend qu’un projet immobilier va prochainement être réalisé sur une parcelle mitoyenne à des immeubles et elle s’inquiète de la prochaine délivrance du permis de construire par les services de l’urbanisme.
Le syndicat habilite son syndic à contester le permis de construire à paraître, par une résolution d’assemblée générale en juin 2010.
L’une après l’autre, les décisions du Tribunal et de la Cour administrative d’Appel confirment l’acte du maire, le syndic se pourvoit alors en cassation devant le Conseil d’État.
A son tour, le Conseil d’État, dans son arrêt du 3 juillet 2015 (n° 371433) rejette la demande du syndicat, au motif notamment que l’autorisation à agir du syndic n’était pas assez précise pour exercer les voies de recours : « que l’assemblée générale de juin 2010… avait invité le syndic à exercer un recours éventuel en contestation du permis de construire concernant le programme mitoyen… que la Cour administrative d’appel de Marseille a estimé qu’en l’absence de toute autre précision quant à l’objet et à la finalité de la contestation que cette délibération mentionne, celle-ci ne pouvait valoir autorisation valablement donnée par l’assemblée générale au syndic en vue de relever appel du jugement attaqué… »
II. La réglementation
Cet arrêt du Conseil d’État prête juridiquement à discussion, dans la mesure où :
- le syndic bénéficiait bel et bien d’une autorisation à agir en justice consentie par le syndicat en assemblée générale (art. 55 du décret du 17 mars 1967) ;
- le décret du 17 mars 1967 n’impose réglementairement aucune présentation type de la résolution d’habilitation pour les actions en justice administrative ou judiciaire du syndicat représenté par son syndic ;
- devant les instances judiciaires, la Cour de Cassation adopte une interprétation bien moins restrictive de l’habilitation du syndic à agir en justice au nom du syndicat que celle de son homologue administratif du Conseil d’État, comme le souligne notamment un arrêt du 15 mars 2005, n° 04 - 10530.
En effet, la jurisprudence judiciaire constante :
● s’attache à l’existence d’une simple résolution de l’assemblée générale ;
● considère, que la décision du syndicat autorise le syndic à exercer tous les recours (appel et cassation) en l’absence d’une mention expresse contraire.
III. Les recommandations de l’ARC
De cet arrêt du Conseil d’État, la conclusion est que l’ordre du jour de l’assemblée générale du syndicat doit comporter une question et son projet de résolution venant préciser parfaitement l’habilitation du syndic à agir en justice, à savoir :
- la juridiction devant être saisie : administrative ou judiciaire ;
- les recours admissibles ;
- les personnes poursuivies (responsables, compagnies d’assurance devant les garantir…).
Ce niveau de précision présente l’intérêt d’éviter les mauvaises surprises quant au coût des recours en Appel ou en Cassation qui seraient exercés sans autre décision expresse prise par l’assemblée générale.
Le niveau de précision attendu peut cependant entraîner quelques inconvénients pour le syndicat de copropriétaires :
- si le syndic n’est pas habilité à engager les recours suite à l’action introduite, les brefs délais impartis (notamment pour les recours administratifs) risquent de rendre impossible la contestation d’une décision (ou d’entraîner des frais supplémentaires pour convoquer une assemblée générale en urgence) ;
- si certains responsables (identifiés tardivement) n’ont pas été clairement mentionnés parmi les personnes poursuivies dans la résolution prise initialement en assemblée générale, cela risque de les exclure de l’action engagée par le syndicat de copropriétaires.
La formulation devra donc s’attacher à être autant que possible précise (pour tenir compte de cette décision) sans pour autant être trop restrictive (pour éviter les écueils que nous venons d’identifier).