Evolution jurisprudentielle concernant les frais de relance par le syndic
La Cour de Cassation a rendu récemment un arrêt assez important concernant la légalité de certaines dispositions des contrats de syndic.
Nous avons souhaité nous intéresser particulièrement à l’une d’elles, à savoir la position de la Cour sur les frais de relance du syndic en cas d’arriérés de charges du copropriétaire, en raison de la fréquence des différends en la matière et du fait qu’elle constitue un revirement de jurisprudence.
A noter : la loi ALUR va changer la donne et prévoit un décret pour « plafonner » les frais privatifs. En attendant (les décrets sont toujours longs à sortir), profitez des conseils ci-dessous.
- La nouvelle position de la Cour de Cassation sur les frais de relance du syndic
- Ancienne jurisprudence
Dans le cadre de ses missions légales d’administration de l’immeuble (art. 18 de la loi du 10 juillet 1965), le syndic se doit de recouvrer les provisions et charges auprès des copropriétaires débiteurs, tout manquement de sa part constituant une faute engageant sa responsabilité civile (Cass. 3e civ. 9 janvier 2002, n° 00 - 17394).
Jusqu’à présent, les juridictions judiciaires considéraient que la première relance simple du syndic relevait de ses honoraires de gestion courante, c’est-à-dire qu’elle ne pouvait donner lieu à facturation à quiconque (copropriétaire débiteur ou syndicat, hormis imputation à ce dernier des éventuels coûts d’affranchissement et de tirage, si le contrat les stipule expressément).
Parmi les nombreuses décisions en ce sens, vous trouviez deux arrêts de la 23e Chambre de la Cour d’Appel de Paris du 6 et 31 mars 2005, ou encore un jugement du TGI de Grenoble du 2 novembre 2009, n° 07 - 03093.
- Revirement de jurisprudence
Contre toute attente, la 3e Chambre civile de la Cour de Cassation a rendu le 19 juin 2013 un arrêt n° 12 - 19405 renversant cette jurisprudence établie, en déclarant que désormais, les frais de relance ne constituent pas une prestation ordinaire du syndic relevant de ses honoraires de gestion courante au regard de l’arrêté du 19 mars 2010 dit NOVELLI.
- Incidences et conseils
- Conséquences du revirement de jurisprudence
En affirmant que les relances ne représentent pas une intervention ordinaire du syndic, lui incombant au titre de ses honoraires de gestion courante, les magistrats de la Cour de Cassation « légitiment » l’imputation d’honoraires particuliers du syndic au syndicat des copropriétaires au titre des premières relances, dites « simples ».
Cette décision de la Cour de Cassation pourrait donc être le sésame à des facturations intempestives et coûteuses tous azimuts des syndics professionnels, souvent négligents dans ce domaine (gestion informatisée et inefficace du recouvrement des arriérés de charges).
Nous avons même vu le cas suivant : un syndic a mis de côté 500 chèques reçus (dans ses diverses copropriétés) avec un peu de retard, ne les a pas encaissés, a fait des relances à 0,56 € de frais de timbre qu’il a facturé 15 € à chaque copropriétaire. 10 % ont « râlé » ; les autres ont laissé faire. Le syndic a fait ainsi un petit bonus de près de 5.000 €…
- La solution simple à ce fléau proposée par l’ARC
Il existe effectivement un remède légal et limpide pour faire obstacle à ces éventuelles pratiques inopportunes et onéreuses des syndics, consistant à exiger contractuellement, voire en assemblée générale en cas de blocage du syndic :
- soit la suppression des relances simples aux copropriétaires débiteurs ;
- soit l’introduction d’une clause prévoyant que les relances simples rentrent dans la gestion courante (si le syndic ne veut pas, ou en revient à la première proposition) ;
- l’envoi immédiat (dès le premier incident de paiement) d’une mise en demeure, l’article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965 disposant, que le copropriétaire défaillant supporte les frais nécessaires au recouvrement des charges à compter de la notification d’une première mise en demeure par le syndic.
En conclusion, ce revirement de jurisprudence de la Cour de Cassation en matière de gestion des relances par le syndic ne doit pas alarmer les conseils syndicaux.
Elle représente au contraire un moyen de mettre un terme aux pratiques abusives de nombreux syndics en matière de relances auprès des copropriétaires débiteurs.
Il suffit pour cela, comme on l’a dit, de se fonder sur la loi et, d’imposer la mise en demeure préalable par le syndic, autorisant ce dernier à imputer au copropriétaire défaillant les frais nécessaires au recouvrement des charges.
Dernier conseil : certains syndics comme FONCIA ou la GIEP ont prévu une astuce diabolique pour se faire facilement de l’argent : ils prévoient d’adresser jusqu’à trois lettres recommandées aux débiteurs à des tarifs de l’ordre de 30 voire 40 € la lettre.
Là aussi, un conseil : faites supprimer cette astuce et méfiez-vous des syndics assez retors pour appliquer de telles « recettes ».
Par ailleurs sur le sujet, si vous êtes adhérents, n’hésitez pas à relire notre dossier : « Imputation des frais de recouvrement des impayés » de la revue numéro 103 de l’ARC et de l’UNARC de janvier 2014.