Copropriétés existantes : la mise en concurrence obligatoire des syndics à chaque nouvelle « désignation ».
Est-ce une bonne idée ? Problèmes possibles
L’idée d’une obligation de mise en concurrence des syndics à chaque renouvellement de contrat ou désignation d’un nouveau syndic est partie de la DGCCRF(Direction Générale de la Concurrence, Consommation et Répression des Fraudes) il y a cinq ans.
Le service nous avait interrogés à l’époque et nous lui avions répondu : « Il faut certes obliger à une mise en concurrence du premier syndic, mais ensuite l’obligation nous semble plutôt inutile et source de nouveaux problèmes et d’effets pervers ».
La DGCCRF (puis les ministères du Logement et de la Justice) n’ont pas voulu nous entendre complètement ; les responsables nous ont suivis sur le point de la mise en concurrence du premier syndic (cette disposition résulte d’un amendement de l’ARC à la loi ALUR) mais se sont obstinés pour le reste à modifier la loi.
Conséquence : nous avons désormais, pour les copropriétés existantes, un texte, à notre avis peu intéressant, quasiment inapplicable en l’état et surtout source de nombreux problèmes et questions, comme on va le voir.
Citons d’abord le texte de la loi ALUR que nous commenterons ensuite :
« Au cas où l’assemblée générale est appelée à se prononcer sur la désignation d’un syndic, celle-ci est précédée d’une mise en concurrence de plusieurs projets de contrat de syndic, faisant notamment état des frais afférents au compte bancaire séparé, effectué par le conseil syndical, sans préjudice de la possibilité, pour les copropriétaires, de demander au syndic l’inscription à l’ordre du jour de l’assemblée générale de l’examen des projets de contrat de syndic qu’ils communiquent à cet effet.
« Le conseil syndical peut proposer de ne pas procéder à la mise en concurrence mentionnée au troisième alinéa lorsque le marché local des syndics ne permet pas cette mise en concurrence. Le syndic notifie cette proposition aux copropriétaires dans un délai leur permettant de demander l’inscription à l’ordre du jour de l’assemblée générale de l’examen des projets de contrat de syndic qu’ils communiquent à cet effet. La proposition du conseil syndical ne fait pas l’objet d’une question inscrite à l’ordre du jour de l’assemblée générale.
« Le conseil syndical peut se prononcer, par un avis écrit, sur tout projet de contrat de syndic. Si un tel avis est émis, il est joint à la convocation de l’assemblée générale, concomitamment aux projets de contrat concernés ».
« Lorsque la copropriété n’a pas institué de conseil syndical, la mise en concurrence n’est pas obligatoire ». (article 21 de la loi du 10 juillet 1965 modifié).
En quelques mots, ces dispositions signifient ceci :
- Dès lors qu’une question à l’ordre du jour de la prochaine assemblée générale prévoit la désignation d’un syndic (y compris le renouvellement du contrat du syndic en place), tout conseil syndical est censé devoir engager une procédure de mise en concurrence, ce qui pose diverses questions, comme on le verra.
- Le conseil syndical peut néanmoins renoncer à ce « droit » si la copropriété est située dans une commune ou une région dans laquelle il n’y a pas de concurrence (donc peu de syndics ou uniquement des syndics du même groupe).
- Dans tous les cas, le conseil syndical peut donner un avis écrit sur tous les contrats de syndic soumis au vote de l’assemblée générale et adressés par les copropriétaires.
Ce dispositif paraît simple. En fait, il pose plusieurs questions et plusieurs problèmes qui démontrent que le texte de loi est mal rédigé et qu’il faudra un décret pour le rendre applicable.
- Premier problème : rappelons que lorsqu’un syndic est élu pour un an, cela signifie que chaque année il est - de nouveau - désigné.
Dès lors, et même si ce syndic fait parfaitement l’affaire, le conseil syndical devra le mettre en concurrence. Est-ce vraiment très intelligent ? Cela va simplement inciter les syndics à se faire élire pour trois ans (ceci dans le but d’échapper à cette mise en concurrence), alors même que les contrats de trois ans sont contraires à l’intérêt des copropriétés…
- Deuxième problème : que veut dire « mise en concurrence de plusieurs projets de contrat » ?
Est-ce que mettre en concurrence le contrat du syndic en place plus un seul autre contrat satisfait à ce nouveau texte ? Ou faut-il deux autres contrats à mettre en concurrence avec celui du syndic sortant.
Nous dirons - en ce qui nous concerne - qu’il suffit d’un seul contrat en plus de celui du syndic, mais avouons que ce n’est pas très clair.
- Troisième problème : que veut dire la phrase « faisant notamment état des frais afférents au compte bancaire séparé ? ».
Cela renvoi-t-il aux « frais de syndic » ? Certainement pas puisque la loi empêche désormais les syndics de percevoir des honoraires pour tenue d’un compte séparé…
Cela renvoi-t-il aux frais facturés par le banquier ? Dans ce cas le syndic qui répond à un appel d’offres devra-t-il joindre à son contrat une convention de banque portant sur tous les frais du banquier (ce qui serait singulier…) ? Et si oui, quelle sera la valeur de cette convention indicative (et non contractuelle puisque l’assemblée générale vote sur le contrat d’un syndic, pas sur une convention bancaire ?!).
- Quatrième problème : il est indiqué - en ce qui concerne les contrats envoyés au syndic par les copropriétaires non membres du conseil syndical - que ces contrats pourront donner lieu à un « avis écrit » du conseil syndical.
Cela veut-il dire que le syndic en place sera obligé d’adresser ces projets au conseil syndical ? Et si oui, dans quel délai ? Et, de son côté, de combien de temps le conseil syndical disposera-t-il pour envoyer son avis ?
Ou bien est-ce au copropriétaire qu’il appartiendra d’adresser le projet de son candidat au conseil syndical ? Sous quel délai ? Sous quel format ? Etc.
Plus préoccupant : quelles seront les conséquences sur l’élection du nouveau syndic SI le syndic en place ne transmet pas sans délai au conseil syndical les projets reçus ?
- Cinquième problème : le texte prévoit que dans les « régions » où il y a peu de syndic (donc peu de concurrence) le conseil syndical pourra renoncer par écrit à ce nouveau droit ; cela signifie-t-il que - partout ailleurs et en particulier dans toutes les moyennes et grandes villes - le conseil syndical ne pourra pas renoncer à ce droit ?
Et s’il le fait malgré tout - y compris dans une ville importante où il y a bien un marché local concurrentiel - quelles seront les conséquences ?
- Sixième problème : si le conseil syndical ne lance pas de mise en concurrence, quelles seront les conséquences ? Un copropriétaire pourra-t-il engager la responsabilité du conseil syndical ? L’élection du syndic élu et non mis en concurrence sera-t-elle valable ?
On le voit, cette nouvelle disposition en apparence « simple » est - dans sa formulation actuelle - plutôt source de problèmes qu’autre chose (nous l’avions signalé non seulement à la ministre, Madame DUFLOT, mais aussi aux rapporteurs de la loi, qui n’en ont pas tenu compte) et elle s’avère difficile (et problèmatique) à appliquer, voire dans un certain nombre de cas, dangereuse (exemple : quatre syndics sont en concurrence ; aucun n’obtient le tiers des millièmes… Il faut donc reconvoquer une assemblée générale !).
C’est pourquoi nous avons saisi les ministères du Logement et de la Justice pour que soit élaboré un décret destiné à préciser les conditions d’application de ce texte inapplicable en l’état et de répondre à toutes les questions posées précédemment (il est possible aussi d’introduire quelques articles nouveaux dans le décret du 17 mars 1967). Nous avons aussi écrit aux chambres professionnelles pour leur proposer une discussion sur ce sujet et la mise au point d’une proposition commune à faire aux ministères. Objectif : que la mise en concurrence ne se retourne NI contre les copropriétaires NI contre les bons syndics.
Membres du conseil syndical : comment faire si vous n’avez pas pu présenter des projets de contrats de syndics concurrents ?
Certains de nos adhérents nous font savoir que, quelle que soit la taille de l’agglomération dans laquelle se situe leur copropriété, ils ont demandé des devis à différents syndics mais qu’ils ne les ont pas obtenus en retour.
Il faut être clair : la loi n’oblige pas le conseil syndical à obtenir des contrats concurrents. Dans l’hypothèse où vous seriez interpellés par des copropriétaires sur ce point, rappelez leur ce principe.
En attendant, si vous voulez vous lancer dans la mise en concurrence, vous pouvez lire notre dossiers spécial sur notre site Internet :
« Comment analyser et comparer simplement les contrats de syndic » (voir : www.unarc.fr/ntna).