Consommation individuelle d’eau disproportionnée au regard des index du compteur divisionnaire : la preuve contraire incombe au copropriétaire du lot

29/03/2019 Dossier

Les différends sur les charges sont légions, notamment concernant la question de la régularisation des consommations individuelles d’eau.

Ils peuvent aboutir à des actions judiciaires en paiement engagées par le syndicat, à l’encontre du copropriétaire qui refuse de payer la consommation qui lui est attribuée.

Un récent arrêt du 7 février 2019 précise la jurisprudence de la Cour de cassation en la matière.

I. Les mécanismes de la régularisation par le syndic

Les compteurs divisionnaires d’eau froide et/ou eau chaude des appartements ou des locaux commerciaux relevant les consommations individuelles peuvent soit être :

  • d’origine, présents dès la construction de la résidence ;
  • ou installés postérieurement, conformément à une décision de l’assemblée générale votée à la majorité des articles 25 et 25-1.

Il s’agit pour le syndic, dans un premier temps, d’appeler auprès des copropriétaires la quote-part de provision d’eau prévue dans le budget de fonctionnement, conformément aux tantièmes de charges attachés à leur lot respectif. 

Dans un second temps, à savoir une fois les comptes du syndicat approuvés en assemblée générale il régularise les consommations individuelles d’eau auprès des copropriétaires en fonctions des index relevés sur les compteurs d’eau individuels.

La différence entre la consommation globale facturée à la copropriété et celle individuelle d’eau sera supportée par les copropriétaires selon les tantièmes de charges affectés à leur lot par le règlement de copropriétaire dans la grille appropriée (charges communes générales ou spécifiques d’eau).

II. Les modalités de la contestation judiciaire

Régulièrement, des copropriétaires contestent la consommation d’eau qui leur est imputée.

Effectivement, les compteurs divisionnaires d’eau standards ou par télé relevage (index visualisés à distance) ne représentent pas une solution infaillible, en raison de dysfonctionnements avérés ou supposés.

En l’espèce, dans une résidence à Antibes, une copropriétaire, considérant ses consommations d’eau disproportionnées, refuse de les régler.

Le syndic l’assigne en paiement, une expertise judiciaire est diligentée.

La Cour d’appel donne raison à la copropriétaire.

La cour de cassation dans son arrêt n°17 - 21568 du 7 février 2019 infirme cette décision, en précisant que la preuve du dysfonctionnement incombe au copropriétaire, ce qui n’a pas été établi (la simple disproportion de la consommation ne se révélant pas suffisante) :

 « […] Attendu que, pour rejeter partiellement, après expertise, la demande au titre des charges de consommation d'eau entre 2008 et 2015, l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que l'enregistrement du compteur ne vaut pas preuve absolue de la  consommation mais constitue une présomption simple, que Mme M., qui vit seule, consomme cinq fois plus d'eau que les lots voisins occupés par des familles, que l'expert a écarté l'hypothèse d'un branchement par erreur sur le réseau de chauffage et a exclu une défaillance ou une anomalie du réseau privatif, de sorte que le tronçon déperditif est à rechercher dans les parties communes dont le syndicat a en charge la gestion et l'entretien, que, celui-ci n'ayant entrepris aucune action appropriée et ne fournissant aucun élément sur le mode de vie de la copropriétaire dont il fait la cause exclusive de la consommation exorbitante, la réalité de la créance n'est pas établie ; Qu'en statuant ainsi, alors qu'il incombait à Mme M. de justifier des éléments de nature à renverser la présomption d'exactitude des relevés du compteur, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE […] ».

 

La Cour d’appel avait donc considéré que le relevé du compteur ne constituait pas une preuve parfaite et comme le syndic n’avait pas apporté la preuve d’un comportement de la copropriétaire qui justifiait une telle consommation d’eau, cette surconsommation par rapport à la moyenne ne pouvait lui être imputée.

La Cour de cassation a estimé pour sa part que la surconsommation d’eau présumée, en comparaison des autres lots, ne permettait pas à elle-seule de justifier du caractère indu de la charge auprès du copropriétaire.

Il appartient à ce dernier de démontrer son inexactitude au regard de son mode (effectif) de vie, ainsi que de l’absence de fuites sur ses installations privatives, attestant dès lors que cette consommation ne lui est pas opposable.

Il convient de préciser que dans cette affaire, il a été procédé au remplacement du compteur, et qu’une consommation d’un même ordre de grandeur était toujours relevée après cette opération.

La contestation d’une répartition de charges d’eau doit donc se fonder sur des éléments de preuves tangibles.