La multiplication des impayés en copropriété entraine des problèmes de trésorerie, ralentit l’avancée des travaux nécessaires à la conservation de l’immeuble et contribue à faire entrer la copropriété dans une spirale négative : fournisseurs impayés, dégradation du bâti, diminution de la valeur patrimoniale…
Cette situation est propice à l’arrivée de marchands de sommeil qui profitent de la crise du logement et de la vulnérabilité des populations précarisées pour s’enrichir.
Bien qu’il n’existe pas de définition juridique de ce terme, est considérée comme marchand de sommeil dans le monde de la copropriété, toute personne propriétaire d’un bien, vétuste, insalubre, peu ou pas entretenu, très souvent divisé et mis en location qui maximise donc son profit sans pour autant s’acquitter de ses charges de copropriété.
Les moyens de lutte contre l’habitat indigne se heurtent très souvent à la complexité de ce sujet qui recoupe plusieurs droits : copropriété, propriété en indivision, location, droit administratif.
Le développement important de ce phénomène ces dernières années a mis en exergue les limites des outils de lutte contre l’habitat indigne existant (I). Face à cette situation, il devient nécessaire de déployer de nouveaux outils pour mener une guerre efficace contre ces personnes peu scrupuleuses (II).
I. Des dispositifs en matière de lutte contre les marchands de sommeil limités
Préoccupation ancienne en France, la lutte contre le mal logement a souvent été au cœur des débats permettant ainsi au cadre législatif d’évoluer au cours des dernières décennies. Certaines insuffisances persistent cependant encore :
- Les différentes opérations d’envergure nationale – ORCOD (Opération de Requalification de Copropriétés Dégradées) et PDS (Plan de Sauvegarde)- visant à lutter contre l’habitat indigne ne concernent que les copropriétés en difficulté. Or l’habitat indigne se développe de plus en plus dans les zones pavillonnaires (divisions pavillonnaires) et même dans les zones rurales.
- La pluralité des acteurs publics (service communal d’hygiène et de santé, police administrative, etc.) et privés intervenant dans la lutte contre l’habitat indigne et les marchands de sommeil reste insuffisamment coordonnée, permettant bien souvent aux marchands de sommeil de passer entre les mailles du filet.
La loi ALUR et la publication de son décret d’application n° 2016-1790 du 19 décembre 2016, relatif aux régimes de déclaration et d'autorisation préalable de mise en location, sont venues donner aux collectivités des outils pour mieux contrôler la qualité des logements mis en location sur leur territoire.
En effet, grâce à elles, depuis début 2017, les communes qui le souhaitent peuvent définir des zones géographiques ainsi que des catégories de logements dans lesquelles les bailleurs seront soumis à une déclaration ou à une autorisation préalable de mise en location.
Si cette disposition peut paraître intéressante, elle s’avère cependant limitée, ne concernant que les logements situés dans une zone déclarée d’habitat dégradé par la collectivité.
Face à de telles insuffisances et contraintes, la lutte contre les marchands de sommeil exige une amélioration des dispositifs préventifs existants.
II. Quelles nouvelles actions pour renforcer la lutte contre les marchands de sommeil ?
L’Etablissement public foncier (EPF) d’Ile-de-France a fait, en septembre 2017, douze recommandations visant à renforcer la lutte contre les marchands de sommeil. Celles-ci s’articulent autour de 2 grands axes :
1 ) S’attaquer aux finances des propriétaires indélicats en les privant de ressources financières en :
a ) Renforçant considérablement les sanctions financières à leur égard.
b ) Leur interdisant d’acquérir de nouveaux biens à mettre en location, renforçant ainsi le principe déjà établi par l’article 55 de la loi ALUR, empêchant un copropriétaire débiteur d’acheter un autre lot dans la même copropriété.
c ) Mettant en place une procédure d’expropriation simplifiée à leur encontre, la procédure actuelle étant longue et le plus souvent restreinte aux déclarations d’utilité publique.
d ) Améliorant le système de fichage des SCI, afin de les empêcher d’échapper à l’autorité judiciaire ou de se déclarer en faillite personnelle.
2 ) Sanctionner les marchands de sommeil plutôt que les victimes :
a ) En systématisant la confiscation de leurs biens immobiliers en cas de condamnation judiciaire.
b ) En ajoutant la lutte contre les marchands de sommeil au nombre de motifs de préemption déjà existants, qui permettrait aux maires d’acquérir un pavillon susceptible d’être acheté par un marchand de sommeil. Pour cela, l’EPF a déjà prévu de mettre à disposition une enveloppe de 20M€.
Conclusion :
Rappelons que les marchands de sommeil ou autre copropriétaires indélicats sont, en copropriété, plus une conséquence de la dégradation de la copropriété qu’une cause première.
Lutter contre ce phénomène en renforçant les outils législatifs est une nécessité pour traiter de manière efficace les difficultés avérées des copropriétés, à l’instar du déploiement, par exemple, du portage immobilier (achat pour un temps défini de lots par un acteur public ou privé participant du redressement d’une copropriété), permettant de prévenir l’arrivée de ces copropriétaires.