Après la loi ELAN on s’attaque à la Loi d’Orientation des Mobilités (LOM)

14/12/2018 Actions Action

A peine sortis de la loi ELAN qui a été promulguée le 23 novembre dernier, avec rappelons-le des décrets en attente de publication, nous voici ré-auditionnés au Sénat sur une nouvelle proposition de loi qui s’intitule « Loi d’Orientation des Mobilités » (LOM).

Pour le moment, il s’agit de donner notre avis sur les articles 19 et 19 bis concernant le développement « des infrastructures pour le déploiement des véhicules propres ».

Présentons tout d’abord la rédaction initiale du Gouvernement puis ensuite notre analyse sur cette disposition et surtout les évolutions que nous avons suggérées en particulier à M. Didier Mandeli, rapporteur pour la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable.

I. Une question qui devient brûlante

Il est clair que la recharge des véhicules électriques en copropriété est un véritable sujet à traiter.

En effet, sans réponse à cette question, il est impossible en immeuble collectif de pouvoir valablement s’interroger sur l’acquisition d’une automobile électrique.

Or, le raisonnement est celui de l’œuf et de la poule.

Autrement dit, quand il y aura des voitures électriques on s’interrogera sur les moyens de recharge en copropriété et d’un autre côté on développera de manière plus importante les voitures électriques quand les solutions de recharge dans les immeubles collectifs seront traitées.

La stratégie du Gouvernement est donc d’accélérer le déploiement des bornes électriques dans les immeubles collectifs en imposant leur pré-équipement en cas « de rénovation concernant le parc de stationnement ou les infrastructures électriques du bâtiment ».

Voyons donc les articles visés dans la section III de la loi LOM qui s’intitule « L’activité de recharge des véhicules électriques » :

 

« Section 3

« L’activité de recharge de véhicule électrique

« Art. L. 334-4. – L’activité de recharge, pour laquelle l’opérateur s’approvisionne en  totalité, pour les besoins de cette activité, auprès d’un fournisseur titulaire de l’autorisation prévue à l’article L.333-1, ne constitue pas une activité d’achat pour revente aux clients finals au sens de l’article L. 333-1 mais une prestation de service. »

V. – Les articles L. 111-5-3 et L. 111-5-4 du code de la construction et de l’habitation  sont remplacés par les articles suivants :

« Art. L. 111-5-3. – Le pré-équipement d’un parc de stationnement est défini comme  l’ensemble des dispositions hors câblage des installations, qu’il convient de prendre en compte pour faciliter économiquement et techniquement l’installation ultérieure de l’infrastructure de recharge électrique. La mise en place de gaines techniques, de tranchées, ou de chemins de câble permet de satisfaire à l’obligation.

« Art. L. 111-5-4. – Tous les bâtiments nouvellement construits ou rénovés de façon

importante, équipés de parc de stationnement de plus de dix places, comprennent un pré équipement de tout ou partie des places de stationnement permettant une mise ultérieure  d’infrastructure de recharge pour les véhicules électriques et hybrides rechargeables.

« Pour les ensembles d’habitation, toutes les places de stationnement sont pré-équipées,  et l’installation permet un décompte individualisé des consommations. 

« Pour les bâtiments dont l’usage principal n’est pas l’habitation, une place sur cinq devra  être pré-équipée et 2 % de ces places sont réservées et dimensionnées pour être accessibles aux personnes à mobilité réduite, avec un minimum d'une place. Dans ces bâtiments, au moins une place, dont le dimensionnement permet l’accès aux personnes à mobilité réduite, est équipée pour la recharge des véhicules électriques et hybrides rechargeables. »

VI. – Après l’article L. 111-5-4 du code de la construction et de l’habitation, il est inséré  un article L. 111-5-5 ainsi rédigé :

« Art. L. 111-5-5. – Les bâtiments existants étant soumis à l’obligation prévue à l’article

L.111-5-4 sont ceux faisant l’objet d’une rénovation concernant le parc de stationnement ou les infrastructures électriques du bâtiment et dont le montant des travaux afférents représente un quart de la valeur du bâtiment hors coût du terrain qu’il occupe.

« La réalisation des travaux relatifs aux infrastructures de recharge des véhicules  électriques et hybrides rechargeables est facultative si ceux-ci génèrent des coûts dépassant 7 %  du montant total des travaux de rénovation du bâtiment.

« La réalisation des travaux n'est pas obligatoire lorsque les bâtiments sont situés dans les départements et régions d’outre-mer ou dans les zones non interconnectées au réseau métropolitain continental. Cette exemption vaut si la réalisation de ces travaux est susceptible de créer des problèmes majeurs pour le système énergétique local et de compromettre la stabilité du réseau local.

« Les bâtiments alimentés par un micro réseau isolé au sens de la directive  européenne 2009/72/EC peuvent-être également être exemptés de la réalisation des travaux.»

VII. – Les dispositions du II du présent article sont applicables jusqu’au 1

 janvier 2022. »

II. Des points à éclaircir

Comme bien souvent, derrière les bonnes intentions se cachent des loups.

Reprenons les grandes lignes de cette disposition : le pré-équipement de bornes électriques dans les places de parking sera obligatoire de manière totale ou en partie pour les copropriétés neuves ou bien pour celles existantes en cas de rénovation du parc de stationnement ou d’infrastructure électrique du bâtiment dans le cadre d’une place sur cinq.

Reprenons les nombreuses difficultés que présente cette disposition :

  1. Comment déterminer les places qui seront contraintes d’installer ce type d’équipement dans le cas où aucun copropriétaire ne veut acquérir une voiture électrique ?
  2. Que signifie le terme de rénovation concernant le parc de stationnement ? En effet, quelle est la limite entre les travaux d’entretien et ceux de rénovation ?
  3. En quoi consiste l’installation d’un pré-équipement de borne ?
  4. Il est prévu dans le dispositif une exemption à cette obligation si les infrastructures de véhicules électriques ou hybrides génèrent des coûts supérieurs à 7 % du montant total des travaux de rénovation du bâtiment. Quelles sont les factures à prendre en charge ? Uniquement les factures de travaux intrinsèques ou aussi les frais de maître d’œuvre.

Mais au-delà de ces considérations, la question des recharges électriques pose des problèmes souvent mal perçus.

Tout d’abord la prise en charge des consommations électriques. Même si on installe des compteurs individuels, qui supportera en cours d’exercice les consommations électriques dues à la recharge des véhicules ? Le syndicat des copropriétaires ?

Et pour cause, l’installation sera rattachée au compteur général de l’immeuble, obligeant le syndicat des copropriétaires à supporter dans un premier temps les factures d’électricité pour ensuite en fin d’année répartir les consommations individuelles sur le copropriétaire concerné.

Autrement dit, les charges de copropriété vont augmenter de manière importante, ce qui est difficilement concevable lorsqu’on sait que le nombre de copropriétaires débiteurs est en constante évolution due à une incapacité de faire face au paiement des charges courantes.

Plus encore, l’installation de bornes électriques implique un abonnement de puissance plus important, ce qui va là aussi impliquer de nouvelles dépenses pour la copropriété.

Enfin, il n’est pas évident que l’installation électrique puisse alimenter un nombre important de véhicules électriques, pouvant entraîner soit une surtension qui risque de provoquer des coupures générales, soit des câbles qui grillent.

III. Les préconisations de l’ARC

L’idéal est donc que chaque copropriétaire qui souhaite installer une borne électrique pour alimenter son véhicule puisse le faire sous condition qu’il dispose non pas d’une consommation individualisée mais d’un contrat individualisé avec l’opérateur.

Pour cela, il est nécessaire que l’installation, l’entretien de la borne et les consommations électriques soient directement gérées entre le propriétaire et l’opérateur sans qu’à aucun moment l’installation électrique de la copropriété ne soit utilisée.

La seconde piste évoquée est que la borne électrique puisse être utilisée de manière mutualisée pour plusieurs copropriétaires qui souhaiteraient acquérir un véhicule électrique, impliquant une nouvelle clé de répartition qui permettra de partager l’ensemble des frais sur les seuls copropriétaires concernés.

Là aussi, l’installation devra être indépendante de celle de la copropriété, évitant les risques indiqués précédemment.

C’est dans ce sens que nous avons demandé une évolution du texte avec des éclaircissements sur les différentes notions abordées dans ce projet de texte de loi.

A suivre de près !