Abus 2725
L’ARC, les copropriétés en difficulté et France 3
(très bientôt)
I. Le 22 juin sur France 3 : émission « Hors Série »
La soirée du 22 juin 2011 sur France 3 sera consacrée aux copropriétés en difficulté, à l’occasion de la diffusion d’un film consacré à la copropriété du Chêne-Pointu à Clichy-sous-Bois.
Quatre « invités » seront ensuite sollicités pour donner leur point de vue sur le plateau ; par ordre alphabétique :
- Benoist APPARU, Ministre du Logement,
- Roland CASTRO, grand architecte et urbaniste,
- Bruno Dhont, Directeur de l’ARC,
- Christophe ROBERT, Délégué général de la Fondation Abbé Pierre.
Quatre questions seront posées aux invités. Comme toujours ceux-ci n’ont pas pu exprimer (l’enregistrement a eu lieu le 30 mai) le quart de la moitié du dixième de ce qu’ils avaient à dire.
Nous publions ci-dessous les réponses que Bruno DHONT, au nom de l’ARC, aurait voulu faire. Si ces problèmes vous intéressent, vous pouvez :
- lire les questions et les réponses ci-dessous ;
- regarder l’émission hors série le 22 juin à 20 h30 ;
- éventuellement revenir vers les réponses de l’ARC ensuite ou nous contacter pour plus de précisions.
Les copropriétés en difficulté :
- comment en est-on arrivé là ?
- comment les traiter ?
I. Comment s’explique le phénomène des copropriétés en difficulté ?
On pourrait croire que cette situation est créée soit par la pauvreté des copropriétaires ou des occupants, soit par la situation urbaine défavorable (quartiers sensibles ; zones mal desservies, etc.).
En fait, il n’en est rien.
La pauvreté est une conséquence ; pas une cause.
Par ailleurs, ces situations se rencontrent partout :
- à Paris et dans toutes les grandes villes (Lyon, Marseille, Bordeaux, Lille, Rennes, etc.), dans le tissu ancien comme dans des quartiers récents ;
- dans la proche périphérie, là aussi en quartier ancien ou récent ;
- dans la banlieue ancienne ; dans les banlieues récentes ;
- dans les villes nouvelles, etc.
Ces situations sont le résultat d’un processus assez simple que nous allons essayer d’expliquer en quelques mots.
Trois facteurs se conjuguent dès l’origine.
1. Premier facteur : les copropriétés concernées ont la particularité d’avoir des charges structurellement élevées (exemple : des équipements nombreux ; des charges élevées de chauffage ; des charges de parkings souterrains ; des charges de voiries ; des espaces verts importants ; du personnel et des gardiens, etc.).
2. Deuxième facteur : ces copropriétés présentent une certaine complexité qui peut être :
- juridique et fonctionnelle ;
- technique ou physique ;
- urbaine.
Dans ce cas on peut avoir, par exemple, un empilage de structures de gestion qui renchérissent les charges ou brouillent la compréhension des copropriétaires.
C’est le cas de l’urbanisme sur « dalle » avec :
- plusieurs copropriétés ;
- une ou plusieurs associations syndicales qui gèrent la dalle et certains équipements (chauffage, espaces verts), par exemple ;
- c’est le cas aussi quand l’ensemble immobilier est complexe (nombre important de lots ; absence de syndicats secondaires ; voies privées ouvertes à la circulation publique, etc.).
3. Troisième facteur : ces copropriétés peuvent par ailleurs présenter au départ une certaine fragilité :
- sociale ;
- urbaine (zone défavorisée).
Conclusion :
COUT élevé des charges
+ complexité de gestion ;
+ fragilité sociale et urbaine éventuelle,
tels sont les trois facteurs qui créent des copropriétés susceptibles de connaître des dynamiques de dégradation ; ce qui ne veut pas dire que cela se traduise forcément par un processus de dégradation. Nous avons, en effet, à partir de cette situation, deux scénarios possibles.
● Le scénario heureux :
- le syndic et les copropriétaires maîtrisent les charges et les impayés
- la complexité juridique, urbaine ou de fonctionnement est neutralisée ou fait l’objet d’un traitement spécifique.
Dès lors, on a affaire à une copropriété qui fonctionne normalement.
● Deuxième scénario ou scénario catastrophe :
Le syndic ne maîtrise pas les charges et en plus il laisse se développer les impayés sans les résorber ; il crée ainsi un premier cercle négatif. A partir de là :
- les charges augmentent ;
- les impayés aussi ;
- la trésorerie va manquer ;
- l’entretien courant va se dégrader ;
- les habitants les plus mobiles (ou les plus « malins ») vont commencer à partir et à se faire remplacer par des copropriétaires plus modestes ou des bailleurs ;
- les charges vont continuer à augmenter ainsi que les impayés ;
- les immeubles vont se dégrader ;
A partir d’un moment il y a un basculement. C’est au moment où il faut absolument faire les gros travaux. Dans ces cas là, ce qu’on croit être le moment du redressement (vote des travaux) est au contraire ce qui va entraîner la copropriété encore plus bas.
Pourquoi ? Parce que les appels de travaux vont être honorés par une partie seulement des copropriétaires, que le syndic ne pourra pas ou ne voudra pas lancer les travaux et que l’argent recueilli va servir non pas à financer les travaux mais à compenser une partie des déficits de fonctionnement courant.
A ce moment une partie des copropriétaires « bons payeurs » va se décourager et partir en comprenant qu’ils ne pourront plus redresser la situation. Dès lors la copropriété continue à se dégrader physiquement et à se paupériser de façon irréversible. C’est le scénario catastrophe.
II. Alors ce sont les copropriétaires qui sont responsables ?
Non, ce sont d’abord ceux qui conçoivent ces copropriétés avec des complexités trop grandes et des charges trop lourdes.
Ce sont ensuite les premiers syndics de ces copropriétés qui ont laissé s’instaurer le premier cercle de dysfonctionnement qui va entraîner le processus de dérive et la spirale de dégradation.
Les copropriétaires sont avant tout « victimes », d’autant qu’il faut savoir qu’au pire, dans une copropriété en grande difficulté, il y a encore 70 % de personnes qui payent correctement leur charges (charges élevées) ce qui est héroïque puisqu’elles n’ont plus les services correspondants et, en plus, payent pour les autres.
III. Quelles solutions sont possibles ?
A. D’une part il y a les solutions pour les copropriétés fragiles, ou en pré-difficulté, celles qui commencent à basculer.
B. D’autre part il y a les solutions pour les copropriétés déjà « en difficulté » voire en grande difficulté.
A. Copropriétés fragiles ou en pré-difficulté.
En fait il faut travailler dans trois directions ; c’est ce que nous appelons, à l’ARC le trépieds.
- MAITRISER les charges et les impayés : évidemment les charges de chauffage, d’eau, d’électricité, mais aussi les honoraires de syndics, les charges d’entretien, les contrats. Hors chauffage, on peut facilement faire baisser les charges de 20 à 25 %.
- Prévoir les gros travaux et les inscrire dans un plan pluriannuel donc PROGRAMMER.
- Commencer à financer ces gros travaux très en amont donc les PROVISIONNER, du moins en partie.
L’intérêt de cette analyse et de ces propositions c’est que cela ne coûte pratiquement rien ni à l’Etat ni aux collectivités.
Nous avons néanmoins besoin d’un travail avec l’Etat pour mettre en place des solutions dans ces trois directions.
Exemple :
1. La maîtrise des charges passe par :
- la transparence financière, donc l’imposition du compte bancaire séparé ;
- la suppression d’un certain nombre d’abus tarifaires des syndics ;
- elle passe aussi par la mise en place d’un éco-prêt collectif à taux zéro pour engager des travaux collectifs de maîtrise des charges de chauffage (éco-prêt qui ne serait pas plus cher que l’éco prêt individuel mais serait beaucoup plus efficace).
2. La programmation des gros travaux passe par une légère modification de la loi de 1965 qui imposerait à chaque copropriété de se doter d’un plan pluriannuel de travaux.
3. Le financement des gros travaux passe par l’instauration (via des incitations et améliorations de la loi actuelle) de nouvelles règles favorisant l’instauration des fonds travaux.
On voit que grâce à ce travail on peut renverser totalement la dynamique actuelle qui entraîne de plus en plus de copropriétés vers un avenir très sombre.
● Par ailleurs pour les copropriétés déjà identifiées comme en pré-difficulté (plus de 25 % d’impayés).
Il faudrait adapter et réformer « la procédure d’alerte » mise en place il y a un an et qui ne marche pas bien, faute pour les textes, d’avoir prévu dans le dispositif une place pour les maires des communes ou présidents de communauté de commune.
B. Pour les copropriétés très dégradées
Voici quelques pistes rapides :
- D’abord il faut absolument les repérer et leur faire bénéficier rapidement d’un dispositif approprié (le Plan de sauvegarde, dit PDS) qui est la chimiothérapie des copropriétés en difficulté.
► Or il y a de moins en moins de PDS (pour des raisons d’économies, dit-on, alors que le dispositif coûte seulement cent millions d’euros par an, ce qui est très peu).
- Ensuite il faut maintenir les aides actuelles.
►Or, ces aides (celles de l’ANAH) semblent en partie compromises pour 2012, du moins le niveau de ces aides.
- Il faudrait redonner au 1% Logement son argent pour qu’il puisse intervenir en complément des aides de l’Etat, comme c’était le cas avant 2010 et non en substitut et trouver des ressources d’Etat pour alimenter le budget de l’ANAH.
IV. Que pensez-vous de la politique d’accession de tous à la propriété ?
Nous disons que c’est une erreur idéologique majeure et qui entraîne de nombreux effets dramatiques et pervers :
- les locataires jeunes sont incités à acheter en périphérie et désertent les centres urbain ;
- les accédants arrivent dans les copropriétés où des travaux sont nécessaires et ne peuvent faire face à leurs obligations, donc pénalisent la collectivité ;
- les sociétés HLM sont invitées à vendre une partie de leur patrimoine, ce qui contribue à accroître les tensions sur le marché de la location ;