La plupart des syndicats de copropriétaires sont concernés par le défaut de paiement des copropriétaires. Ils découvrent à ce titre les procédures amiables ou judiciaires existantes pour recouvrer ces sommes par l’intermédiaire du syndic.
Jusqu’à présent, et à l’occasion de cette procédure, les juridictions civiles pouvaient reconnaitre le préjudice collectif lié aux dettes des copropriétaires et attribuer des dommages et intérêts au syndicat des copropriétaires.
Dans un arrêt du 7 septembre 2017, la Cour de Cassation a étendu cette jurisprudence aux copropriétaires lésés par un copropriétaire défaillant.
I. Une décision juridiquement audacieuse
A. Les faits
Un immeuble voit ses parties communes se dégrader (toiture) et générer des désordres dans un lot privatif loué (infiltrations).
Bien qu’une assemblée générale décide de travaux de réfection de la toiture vétuste, ceux-ci ne peuvent cependant pas être engagés par le syndic, en raison du défaut de paiement des provisions pour charges travaux de copropriétaires.
Le copropriétaire bailleur lésé par cette situation (départ de son locataire, impossibilité de relouer ce logement ainsi qu’une augmentation des travaux de remise en état des parties communes) assigne les copropriétaires contrevenants, afin d’obtenir réparation de son préjudice.
B. L’arrêt
La décision rendue par la Cour d’Appel de Rennes le 3 décembre 2015 est confirmée par un arrêt du 7 septembre 2017 n° 16 - 18777 de la 3ème chambre civile de la Cour de Cassation.
Les juges considèrent que le propriétaire défaillant qui par son non-paiement rend empêche la mise en œuvre des travaux, doit effectivement indemniser le copropriétaire lésé :
« Mais attendu qu'ayant retenu qu'en refusant de répondre aux appels de fonds destinés à l'exécution de travaux urgents et indispensables, M. X... et la SCI de K. avaient contribué à l'aggravation de la détérioration de l'immeuble et que la non-réalisation des travaux avait provoqué des dégradations de l'appartement de M. et Mme Y..., ainsi que l'impossibilité de relouer celui-ci après le départ du locataire, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, a pu en déduire que M. X... et la SCI de K. étaient tenus de réparer le préjudice de M. et Mme Y...
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé. »
La Cour de cassation souligne la faute des copropriétaires (défaut de paiement de leur quote-part de provisions), les dommages ou préjudice (perte de loyer et aggravation des frais de remise en état des parties communes) et le lien de causalité entre les deux (préjudice résultant de l’impossibilité de financer les travaux de rénovation des parties communes).
II. Une décision qui ouvre la porte à un grand nombre d’actions en justice
Cet arrêt présente un intérêt indéniable, celui de souligner l’obligation de régler ses provisions et charges à leur date d’exigibilité et la capacité de tout copropriétaire lésé par cette défaillance de poursuivre judiciairement en réparation les responsables.
On peut cependant s’interroger légitimement sur les conséquences possibles de cette décision, à savoir une recrudescence possible des actions judiciaires de copropriétaires à jour de leurs provisions et charges à l’encontre de ceux qui sont débiteurs, dans la mesure où :
- la quasi-totalité des copropriétés sont confrontées par ce fléau ;
- de plus en plus de copropriétaires se révèlent procéduriers, et spécialement lorsqu’ils ont souscrit un contrat de protection juridique limitant voire supprimant les frais d’avocat.
Il convient de préciser que dans ce dossier, la copropriété était de petite taille et que les copropriétaires défaillants devaient régler de l’ordre de 75% des travaux de remise en état de l’immeuble.
Par conséquent un appel de charges de solidarité n’était pas possible.
Le syndic n’avait effectivement pas la possibilité d’engager des travaux.
En conclusion, le syndic doit veiller à mettre en œuvre dans les meilleurs délais les modes de recouvrement amiable, afin de :
- faire face aux dépenses courantes et exceptionnelles adoptées en assemblée générale ;
- limiter l’explosion des contentieux individuels ayant indéniablement une incidence sur la collectivité.
Et pourquoi ne pas rappeler cette jurisprudence lorsque les impayés persistent…?