Un arrêté de péril, quel qu’il soit, suspend tous les paiements de loyers
Le défaut d’entretien et de conservation des parties communes par le syndicat a non seulement des conséquences dommageables pour celui-ci, mais il impact également les copropriétaires bailleurs à l’égard de leur locataire.
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Les faits
Un copropriétaire consent en juillet 2000 un bail d’habitation sur son logement. En septembre 2010 un arrêté de péril est pris par le Maire de Marseille, à l’encontre de la façade de l’immeuble, sans toutefois interdire l’occupation des logements de la copropriété. Cet arrêté n’est levé qu’à la fin décembre 2011, soit au terme de 15 mois.
Suite à cet arrêté de péril et bien que cela ne gêne en rien la jouissance du bien mis en location, le locataire suspend le paiement de ses loyers. Après mise en demeure du bailleur, celui-ci se contraint à lui notifier la résolution de son bail pour défaut de paiement.
Le locataire assigne alors son bailleur en nullité de la résolution et sollicite réparation de son préjudice.
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Actions judiciaires engagées devant le tribunal d’instance, puis devant la cour d’appel.
Par jugement du 9 avril 2013, le Tribunal d’Instance de Marseille déboute le locataire de toutes ses demandes. Celui décide donc d’interjeter appel.
Par arrêt du 22 mai 2014 (n° 13 – 10920), la Cour d’Appel d’Aix-en-Provence confirme la décision de première instance en considérant que le locataire ne pouvait pas s’exonérer du règlement de ses loyers dès lors que l’arrêté de péril ne portait pas sur les parties privatives (logement) et ne comportait pas d’interdiction d’habiter.
Insatisfait de cette position, le locataire se pourvoit alors en cassation.
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La Cour de Cassation sanctionne la décision de la Cour d’Appel
Dans son arrêt du 20 octobre 2016, la Cour de Cassation infirme la décision de la Cour d’Appel en se fondant sur la stricte application de la législation relative à « l’arrêté de péril » d’un immeuble d’habitation, telle qu’énoncée aux articles L 511-1 et suivants du CCH (Code de la Construction et de l’Habitation). Voici ce qu’elle dit :
« Attendu que, pour condamner M. Y... au paiement d'une somme de 3.640,28 €, l'arrêt retient qu'un arrêté municipal du 17 septembre 2010 a ordonné aux copropriétaires de l'immeuble de mettre fin durablement au péril en réalisant des travaux de réparation, que cet arrêté ne porte que sur les parties communes de l'immeuble et non privatives et n'est pas assorti d'une interdiction d'habiter, qu'il n'apparaît pas que la nature des désordres et des travaux à entreprendre pour y remédier ont pu priver ou interdire à M. Y... l'occupation sécurisée de son logement, et que l'article L 521-2, qui prévoit la suspension du paiement des loyers pendant la durée des travaux ordonnés par arrêté de péril dans le cas où l'état du bâtiment ne permet pas de garantir la sécurité des occupants, n'a donc pas à recevoir application ;
Qu'en statuant ainsi, alors que, lorsqu'un arrêté de péril vise des parties communes d'un immeuble en copropriété, la mesure de suspension des loyers prévue par l'article L 521-2, I, précité s'applique à la totalité des lots comprenant une quote-part dans ces parties communes, la cour d'appel, qui a ajouté à la loi une condition relative au fait que l'état du bâtiment ne permette pas de garantir la sécurité des occupants qu'elle ne comporte pas, a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 22 mai 2014, entre les parties… ».
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Conclusion et conseils de l’ARC.
En premier lieu, il est essentiel de réaliser les travaux d’entretien et de conservation de l’immeuble avant qu’un tel « arrêté de péril » ne soit délivré au syndicat des copropriétaires. A minima, il est toujours préférable de répondre aux injonctions administratives adressées préalablement (ici pour un ravalement présentant peut-être des risques de chutes d’enduits) et de justifier des actions que le syndicat des copropriétaires entend mener pour répondre à cette demande. Il n’est pas rare que dans ce cas, l’Administration accepte un délai supplémentaire pour réaliser les travaux.
En second lieu, dès lors que le syndicat n’a pas agi en conséquence et que l’arrêté de péril lui est délivré, il a intérêt à mener à bien et très rapidement les travaux imposés. Dans le cas contraire et même dès l’arrêté pris, il peut se voir assigné par les copropriétaires bailleurs qui se retrouveraient dans la même situation que celle évoquée ici. Le syndicat des copropriétaires devra alors supporter en sus des travaux, le coût des pertes de loyers, ainsi que le coût des procédures engagées par les copropriétaires bailleurs !
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Référence.
Cour de Cassation, arrêt du 20 octobre 2016, 3e chambre civile, n° 15 – 22680.