Sociétés d’habitat participatif :
un décret d’application qui va au-delà des dispositions relatives à la copropriété
Nous avons consacré un dossier début décembre 2015 à l’Habitat Participatif (que vous pouvez retrouver ici : www.arc-copro.com/j5nt) où nous indiquions, entre autres, que cette forme alternative de construction (et d’occupation) de logements collectifs avait retrouvé un statut légal via la loi ALUR. L’habitat participatif possède en effet désormais un statut juridique, celui des Sociétés d’Habitat Participatif pouvant prendre deux formes :
- celle d’une coopérative d’habitants ;
- ou celle d’une société d’attribution et d’autopromotion.
Pour rappel, la coopérative d’habitants offre le cadre le plus libre à cette forme alternative de l’habitat tant sur le plan de l’accès à la propriété (« l’apport en industrie » permet par exemple à des ménages modestes de pouvoir accéder à la propriété en contrepartie d’un investissement « de travail » et pas seulement financier) que sur la manière d’envisager la propriété puisque c’est essentiellement le groupe d’habitants à l’origine du projet qui va le définir en quasi-totalité.
La société d’attribution et d’autopromotion (SAA) offre quant à elle la possibilité de se constituer en deux statuts juridiques différents : un modèle hybride entre la coopérative d’habitants et la copropriété ou alors celui de la copropriété (régi par la loi du 10 juillet 1965).
Une des questions posées dans le dossier publié fin 2015 portait sur le devenir de l’habitat participatif, qui n’est pas nouveau et qui avait rencontré au cours du XXème siècle, un certain nombre de difficultés. Ces difficultés émanent essentiellement de son faible encadrement juridique sur le plan de son fonctionnement.
Le décret du 21 décembre 2015 relatif aux sociétés d’habitat participatif est venu encadrer et préciser leurs modalités de fonctionnement et a notamment permis d’apporter des réposnes aux principaux dysfonctionnements identifiés jusqu'à présent.
Il a en effet introduit de nouveaux articles dans la partie réglementaire du Code de la construction et de l’habitation (CCH) qui prévoient :
- des contraintes pour les personnes qui souhaiteraient mettre en location plutôt que d’habiter ;
- pour les coopératives d’habitants, des provisions pour grosses répartitions plus ambitieuses qu’en copropriété et une nouveauté intéressante : des provisions pour couvrir les risques d’impayés.
Voyons cela.
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La limitation des propriétaires bailleurs au sein des immeubles d’habitat participatif
La limitation des propriétaires bailleurs permet d’assurer la pérennité du fonctionnement interne (notamment sur le plan du « projet de vie » défini initialement) de l’ensemble immobilier dans le temps. Cela tend par ailleurs à limiter la logique de « rentabilité » dans laquelle s’inscrit une majorité de propriétaires bailleurs (cela parfois au détriment de la « santé » de l’immeuble contribuant à sa dégradation prématurée). La corrélation entre une majorité de propriétaires bailleurs au sein d’une copropriété, et son niveau de fragilité a en effet déjà été démontrée à plusieurs reprises.
Il est donc prévu via le décret du 21 décembre 2015 que les logements soient obligatoirement occupés par l’associé de la SAA ou de la coopérative au titre de résidence principale (au moins 8 mois par an).
Il est précisé que des dérogations de droit sont cependant possibles sur autorisation de l’assemblée générale et selon des motifs bien précis (pour les héritiers et légataires de l’associé, en cas d’obligations de l’associé liées à une activité professionnelle, en cas d’invalidité ou incapacité de l’associé, etc.). Ces dérogations sont soumises à des délais non reconductibles : 3 ans pour les coopératives d’habitants et 6 ans pour les sociétés d’attribution et d’autopromotion.
Cette disposition permet de renforcer la dimension « non spéculative » véhiculée par l’habitat participatif, marquant une nouvelle fois ici une rupture nette avec les formes classiques de la construction de logements (promotion privée où la rentabilité financière est centrale).
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Dispositions propres aux coopératives d’habitants : la constitution de provisions pour gros travaux d’entretien et de réparation et pour couvrir les risques d’impayés
Le décret du 21 décembre 2015 a également permis d’encadrer les problématiques des risques d’impayés et de manque d’entretien des immeubles constitués en tant que coopératives d’habitants. La difficulté à mobiliser les fonds nécessaires à la rénovation de l’ensemble immobilier ou bien encore les impayés, sont des éléments qui viennent en effet fortement fragiliser le bon fonctionnement des immeubles d’habitat participatif (comme pour les copropriétés).
C’est pourquoi il a été prévu, la mise en place de provisions spéciales comme réponse à ces deux problématiques. Ces provisions seront mises en place selon les modalités suivantes :
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L’assemblée générale devra décider du montant de provisions (article R201-3 du CCH) concernant :
- les gros travaux d’entretien et de réparation. Le montant de ces provisions ne peut pas être inférieur à 10 % du montant de la redevance annuelle ;
- les risques de vacance des logements et d’impayés de la redevance. Le montant de cette provision ne peut pas excéder 3 % du montant annuel de la fraction locative.
- Comme pour le nouveau fonds travaux des copropriétés, ces provisions sont constituées annuellement et ne peuvent pas donner lieu à remboursement en cas de vente.
- Le montant des provisions pour gros travaux, qui ne peut être inférieur à 10% du montant annuel de la redevance, est à mettre en regard des 5 % minimum imposés en copropriété. Cette disposition est valable pour tous les immeubles, quel que soit leur nombre de logements. Il est possible d’y déroger au cours des deux premières années de l’immeuble (contre les cinq premières années en copropriété). Il s’agit donc d’une disposition plutôt coûteuse par rapport à ce qui est prévu pour l’habitat privé.
- Le montant des provisions pour vacance des logements et impayées peut être suspendue par l’assemblée générale quand le montant des impayés permet de couvrir 33% du montant total des fractions locatives de l’ensemble des logements pendant 6 mois. Cette disposition obligatoire n’existe pas en copropriété et apparait assez innovante puisqu’elle permet d’anticiper les difficultés financières potentielles dès la création de l’ensemble immobilier.
Ces dispositions sont donc encore plus protectrices pour les coopératives d’habitants que les dispositions relatives à la copropriété issues de la loi du 10 juillet 1965.
Ainsi les difficultés qui avaient pu être identifiées dans les projets d’habitats participatifs par le passé ont été prises en compte par ce texte. Il faudra attendre le retour d’expérience à 5-10 ans sur les premiers projets réalisés avec ce nouveau cadre afin de voir si ces dispositions ont été suffisantes pour prévenir d’éventuelles fragilités. L’habitat participatif acquiert toutefois petit à petit les outils nécessaires afin de s’affirmer comme une véritable alternative à l’habitat social ou privé.