Partage d’expérience d’un syndic bénévole en gestion coopérative

18/09/2015 Dossier

Partage d’expérience d’un syndic bénévole en gestion coopérative

 

M. DEPELLEY est syndic bénévole d’une copropriété située à Clichy-sous-Bois (93) de 342 logements répartis sur 6 bâtiments, principalement de quatre étages. Par ailleurs, la copropriété est composée de 7 hectares de terrain, dont trois à quatre hectares de bois et terrains divers. Deux avantages pour cette importante copropriété : il n’y a pas de chauffage collectif, ni d’ascenseurs. Le budget pour charges courantes reste cependant important avec 550.000 € par an, auxquels viennent s’ajouter la gestion d’un fonds travaux à hauteur de 100.000 € par an, ce qui représente un budget annuel de 1 900 € nets / lot.

 

Bâtiments en pierre de taille datant de 1957, dès le début, le domaine a été géré par des SCI, puis par des syndics bénévoles habitant sur place.

 

Aujourd’hui, le syndicat des copropriétaires est toujours géré par un copropriétaire, mais sous forme coopérative et donc plus collégiale (pour en savoir plus sur la gestion coopérative, lisez notre guide :   disponible ici : www.arc-copro.com/p5xb.

 

À travers cette interview, M. DEPELLEY partage avec vous son expérience de syndic bénévole  dont la copropriété est adhérente à l’ARC depuis 2003. Ce syndic bénévole nous dit pourquoi sa copropriété a fait le choix de l’autogestion (et plus précisément de la forme coopérative), comment ils s’organisent, s’il y a des préalables indispensables, quelles difficultés ils ont pu rencontrer et les solutions qu’ils ont pu mettre en place.

 

Le Pôle Syndic bénévole : Quand et pour quelles raisons avez-vous décidé de devenir syndic bénévole de votre copropriété ?

 

« M. DEPELLEY : Je suis devenu syndic de ma copropriété il y a dix ans, suite à la démission de mon prédécesseur (lui aussi syndic bénévole durant plus de 20 ans !),

aucun autre copropriétaire ne souhaitant reprendre ce poste, je n’ai pas eu d’autre choix que de m’y atteler.

 

Ayant très peu de « pratique » de la copropriété, un certain nombre d’éléments m’ont toutefois permis de prendre rapidement en main cette nouvelle fonction :

 

  • Maire adjoint aux copropriétés dégradées à la Ville, j’avais une connaissance théorique de la vie des copropriétés même si cette vision était très éloignée de la réalité ;
  • ancien militant syndical, je savais plus ou moins diriger une assemblée de 200 personnes (c’était le bon temps) ;
  • chose essentielle : j’ai eu la chance de bénéficier de la présence permanente de l’épouse de l’ancien syndic qui connaissait la gestion de la copropriété. L’organisation et le fonctionnement courant étaient par ailleurs parfaitement rodés ;
  • bien entendu, j’ai lu - voire appris - plusieurs livres de l’ARC et toutes les semaines, j’appelais les conseillers juridiques de l’association. Ce soutien a été évidemment déterminant.

 

Longtemps militant au sein de ma ville, j’ai en fait continué à faire la même chose sur le champ d’activité plus spécifique de ma copropriété ».

 

Le Pôle Syndic bénévole : Vous avez l’air motivé, mais en tant que syndic bénévole, avez-vous rencontré des difficultés? Et si oui, comment avez-vous réussi à les surmonter ?

 

« M. DEPELLEY : L’isolement et le travail sans filet ont été mes principales difficultés.

 

En effet, il n’y avait quasiment pas de conseil syndical et donc pas de relais, d’échanges de points de vue sur différentes problématiques de notre copropriété.

 

Il a été très difficile de construire ce conseil syndical, mais cela a été essentiel pour moi et de manière générale pour le fonctionnement de la copropriété.

Aujourd’hui, au bout de trois/quatre ans, une véritable équipe s’est constituée. Sur 340 copropriétaires, dix à quinze membres sont ainsi présents de manière régulière. Le conseil syndical se réunit une fois par mois et deux ou trois fois avant chaque assemblée générale.

 

Le seul point négatif, c’est que ces conseillers syndicaux ne sont pas toujours représentatifs de l’ensemble de la population de l’immeuble. Par exemple, les « jeunes ménages » - ayant le nez dans le guidon - ont des difficultés à s’investir dans le fonctionnement de notre copropriété.

 

L’autre difficulté a été d’établir de manière concertée un projet pour la copropriété.

 

Effectivement, pendant 15 ans, il n’y a eu aucun gros travaux d’entretien. Au départ, les conseillers syndicaux ne voyaient pas à quoi cela servait (ou ne voyaient que des dépenses) mais une Opération Programmée d’Amélioration de l’Habitat (OPAH) a été mise en œuvre sur notre immeuble. Elle a été un véritable déclencheur. Une dynamique a été mise en place et a permis de mobiliser l’ensemble du conseil syndical sur une stratégie globale d’entretien de notre immeuble ».

 

Le Pôle Syndic bénévole : Comment gérez-vous votre immeuble aujourd’hui (comptabilité, travaux, informatique, rapports avec le conseil syndical, charge de travail) ?

 

« M. DEPELLEY : L’originalité de notre fonctionnement est qu’il s’agit d’une gestion directe qu’on souhaite être la plus développée  possible : trois ouvriers à temps complet, trois femmes de ménage (un peu plus de deux emplois à temps plein), un couple de gardiens, une secrétaire, et deux temps partiels (comptable, maçon).

 

Pour la gestion administrative et comptable plus spécifique, nous nous sommes structurés pour plus d’efficacité : un appartement, une secrétaire et un logiciel adapté à une structure de notre taille (même si nous n’arrivons pas toujours à prendre le temps nécessaire pour rendre son utilisation optimum). On a choisi ce logiciel essentiellement, car la copropriété voisine l’utilisait déjà ce qui permet aux deux secrétaires respectives de travailler ensemble.

 

En matière de gestion financière, les choses sont simples, car le budget est totalement répétitif. La stabilité des dépenses est en effet  déterminante pour assurer une bonne rentrée des fonds.

Pour maîtriser les impayés de charges, nous utilisons la méthode de l’ARC : aller au plus vite à l’obtention d’un titre de paiement (www.arc-copro.com/tib8).

 

J’élabore moi-même les dossiers d’injonction de payer. C’est facile à partir du deuxième, mais à condition d’avoir des dossiers bien tenus ! Trois à quatre saisies immobilières votées chaque année, moyennant quoi, il n’y a eu que deux ventes judiciaires depuis le début de ma prise de fonction (en 10 ans).

 

En matière de gestion technique, la petite maintenance est effectuée par le gardien. Les autres travaux d’entretien courant (peinture, maçonnerie, etc.) des bâtiments sont effectués en régie.

Pour l’entretien du parc, la copropriété a investi dans un tracteur agricole multifonction, un outillage adapté et des ateliers dans les sous-sols.

 

Les fournisseurs et entrepreneurs intervenant sur la copropriété sont quasiment toujours les mêmes. Plutôt locaux, pas forcément les moins chers (car on privilégie le rapport qualité/prix), ils sont plutôt réactifs et viennent facilement passer une heure pour des conseils ou s’il y a des urgences. La responsabilisation et la fidélisation des fournisseurs sont importantes pour maitriser les charges de la copropriété.

 

C’est au niveau du gros entretien de l’immeuble et des travaux lourds de rénovation indispensables à la préservation de notre patrimoine commun que je trouve tout l’intérêt de ma mission de syndic. En effet,  mon objectif continuel est d’amener la copropriété « vers le haut ». Cependant, il est parfois difficile de mettre en place une stratégie patrimoniale qui soit COMMUNE à tous les copropriétaires. Pour moi, c’est d’ailleurs le principal intérêt d’une gestion coopérative où les copropriétaires sont censés s’impliquer de manière plus collective et concertée qu’en gestion traditionnelle ».

 

Le Pôle Syndic bénévole : Rencontrez-vous encore des difficultés au bout de 10 ans d’expérience comme syndic bénévole ?

 

« M. DEPELLEY : Oui, bien entendu, les choses ne sont pas toujours simples et le sont de moins en moins.

 

L’une des principales difficultés est la diminution de fréquentation à l’assemblée générale avec la perte de «l’esprit collectif de la copropriété » comme beaucoup de copropriétés, je pense. En parallèle, il est de plus en plus difficile de motiver les copropriétaires à s’investir dans le fonctionnement de la copropriété et notamment au sein du conseil syndical dont le renouvellement est indispensable.

Par ailleurs, l'évolution des très grandes copropriétés, en général, et à Clichy-sous-Bois en particulier, devient inquiétante : impayés cumulés dépassant les 20%, problèmes d'incivilités et d'insécurité ... En gestion bénévole, c’est parfois dur à gérer. A ce titre, la voie nouvelle de la délégation de tout ou partie de la gestion courante est pour moi une voie d'avenir. (Monsieur DEPELLEY évoque ici la cogestion, pour en savoir plus : www.arc-copro.com/egb1) ».   

 

 

 

Le Pôle Syndic bénévole : En conclusion, que souhaiteriez-vous dire aux syndics bénévoles qui vous lisent ou aux conseillers syndicaux qui envisagent de gérer eux-mêmes leur copropriété ?

 

« On me demande souvent comment on peut trouver un bon syndic, ou comment on le reconnaît. Je réponds sur un mode provocateur par ceci : « on reconnaît un bon syndic à ce qu’il a un bon conseil syndical, ou un bon président de conseil syndical».

 

J’ai tendance à renvoyer ceux qui se plaignent de leur syndic, alors qu’ils ne connaissent pas vraiment les missions et les tâches d’un syndic.

 

La maîtrise des charges est évidemment importante, mais cela ne doit pas être l’unique objectif en tant que syndic de votre immeuble. Il est en effet important d’agir dans une perspective à moyen et long terme. Dans ce cadre, la mise en œuvre d’un fonds travaux à un bon niveau est aussi une stratégie à défendre.

 

Pour bien démarrer ? Il faut faire tout le contraire de ce que j’ai fait ! [en commençant sans expérience].

 

Il est ainsi indispensable de s’investir au préalable dans le conseil syndical et avoir comme perspective de constituer une équipe à deux, trois, ou plus, avec des objectifs communs. Il est en effet nécessaire de profiter de ce passage au conseil syndical pour se former, adhérer collectivement à l’ARC, bénéficier des formations, et être en mesure de mieux circonscrire ce projet commun. Évidemment, une fois préparé, quand on se sent prêt, il faut sauter le pas.

 

Mais en quelques mots « être syndic coopératif, pour moi, c’est garantir la stabilité, une continuité et stratégie sur plusieurs années ». »