Les travaux réalisés par des copropriétaires, de façon illicite, sur les parties communes font l’objet d’un important contentieux. Dans un tel contexte, il y a lieu de rechercher la nature juridique des aménagements réalisés, qui conditionne le délai requis pour contester judiciairement ces travaux.
Dans le cas présenté une incertitude demeurait sur le délai de prescription applicable, la Cour de Cassation a tranché au bénéfice de la prescription trentenaire, en se basant sur le fondement d’une action réelle et non personnelle.
Les faits
La propriétaire d’un appartement situé en rez-de-chaussée et donnant sur la cour arrière d’un immeuble en copropriété, sis à Neuilly sur Seine (92), avait procédé depuis de très nombreuses années à divers aménagements floraux dans cette cour commune, sans jamais en avoir demandé l’autorisation en assemblée générale. Ces aménagements avaient consisté, au fil du temps, à la réalisation (en 1990 puis en 2000) d’un abri en ossature de bois fixé entre trois murs et muni d’une couverture translucide, qui était déposée aux périodes estivales et qui servait à abriter un nombre important de plantations disposées (depuis 1984) dans des jardinières ou pots de fleurs de grande taille (non déplaçables par une seule personne). Un point d’eau avait également été réalisé avec approvisionnement depuis l’appartement de la copropriétaire.
En raison notamment d’un arrosage très fréquent et mal conditionné, des désordres sur les parties communes (murs servant d’adossement à l’abri) et dans des parties privatives (caves) avaient été constatés et ils résultaient d’infiltrations d’eau répétées.
Après de nombreuses demandes du syndicat de copropriétaires par lettres recommandées avec accusé de réception, via le syndic, de procéder à l’enlèvement de ces plantations et de l’abri, toutes restées sans effet, une assemblée générale (juillet 2011) avait habilité le syndic à agir judiciairement à l’encontre de la copropriétaire récalcitrante.
Les actions judiciaires engagées
Dans la 1ère instance, il est considéré que la copropriétaire avait obtenue gain de cause, en faisant reconnaître que l’action du syndicat de copropriétaires était prescrite, puisque engagée bien au-delà des 10 ans des faits reprochés.
Suite à ce 1er jugement qui lui était défavorable, le syndicat avait interjeté appel devant la cour de Versailles. Cette dernière avait alors reconnu fondées les demandes du syndicat de copropriétaires dans son arrêt du 29 juin 2015.
Insatisfaite de ce revirement de situation, la copropriétaire avait décidé de se pourvoir en cassation en maintenant sa position, à savoir que l’action du syndicat s’avérait prescrite en matière de travaux, soit 10 ans au titre de l’article 42 de la Loi du 10 juillet 1965 et non 30 ans , délai pris en référence à une action d’appropriation des parties communes, la jurisprudence étant constante en ce domaine.
La décision de la Cour de Cassation
La 3ème chambre civile de la Cour de Cassation rejette le pourvoi. Elle confirme l’action du syndicat comme non prescrite, en ce sens que les créations florales réalisées depuis moins de trente ans s’analysent non pas en de simple travaux soumis au délai de dix ans, mais en une appropriation des parties communes relevant de la prescription trentenaire, « Mais attendu qu'ayant, par motifs propres et adaptés, relevé, sans dénaturation, que l'aménagement paysager traduisait une volonté de privatisation d'un espace commun par la présence d'un système de toiture en partie fixe, de très nombreuses plantations, de certains végétaux dont la dimension ne permettait pas qu'ils puissent être déplacés sans intervention extérieure et d'un robinet d'arrosage fixé sur le mur de la façade de l'immeuble, et retenu à bon droit que cet aménagement constituait un acte d'appropriation, la cour d'appel, par une décision motivée et abstraction faite d'un motif surabondant, en a exactement déduit que l'action tendant à obtenir le rétablissement de la cour commune dans son état d'origine était une action réelle se prescrivant par trente ans ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi. »
Conclusion
Avoir « la main verte », n’exonère nullement un copropriétaire de la demande d’une autorisation de l’assemblée générale pour réaliser un aménagement dans un espace commun, l’objectif étant de faire profiter régulièrement, l’ensemble des résidents de cet espace végétalisé !
Dans le cas contraire, le « jardinier » s’expose à une action judiciaire avec à la clé une obligation de remise en état d’origine de la partie commune indument appropriée.
Texte de référence
Cour de Cassation, 3ème chambre civile, arrêt n° 15- 25144 du 26 janvier 2017.