Un arrêt récent de la Cour de Cassation du 6 juillet 2017 souligne que la destination de l’immeuble doit éventuellement être mise en perspective avec l’affectation du lot mentionnée dans l’état descriptif de division, si ce dernier est qualifié de contractuel.
I. La Cour de Cassation souligne le caractère impératif de certains états descriptifs de division
A. Les faits
Dans un immeuble dont le règlement de copropriété dispose qu’il est à destination mixte sis dans l’Est de la France, le propriétaire d’un lot en étage souhaite affecter son appartement à une activité professionnelle et, sollicite de l’assemblée générale du syndicat l’autorisation d’apposer une plaque en ce sens dans les parties communes.
Suite au rejet de sa demande, il engage une action judiciaire en annulation de la résolution considérant le refus contraire à la destination de l’immeuble telle que prévue par le règlement de copropriété.
Les deux premières juridictions judiciaires civiles (T.G.I. et Cour d’Appel de Metz) ayant écarté cette requête, ce copropriétaire décide de se pourvoir en cassation.
B. L’arrêt
La 3ème chambre civile de la Cour de Cassation confirme les deux décisions judiciaires précédentes dans un arrêt du 6 juillet 2017, n° 16 - 16849.
Elle précise que la destination de l’immeuble doit s’apprécier au regard du règlement de copropriété, mais également de l’affectation du lot indiquée dans l’état descriptif de division, si le règlement de copropriété a entendu accorder à cette annexe une pleine valeur conventionnelle.
En l’espèce, l’état descriptif de division est inclus dans le règlement de copropriété. L’article 8 du règlement de copropriété, traitant de la destination de l’immeuble, dispose dans son dernier alinéa « L’état descriptif de division, ci-inclus, dont chaque copropriétaire a eu connaissance et accepté les termes, à même valeur contractuelle que le règlement lui-même : il détermine l’affectation particulière de chaque lot …/… que son copropriétaire doit respecter. »
Or dans ce cas, le règlement de copropriété a prévu que les lots litigieux sont à usage exclusif d’habitation.
Le copropriétaire considérait pour sa part que ces deux documents étaient contradictoires. Il a aussi soulevé le principe de l’article 9 de la loi du 10 juillet 1965 qui pose le principe de la liberté d’usage des parties privatives.
Les juges du fonds qui ont pouvoir souverain d’interprétation des contrats ont considéré que l’état descriptif de division avait une valeur contractuelle et que ses dispositions qui sont plus précises que celles du règlement de copropriété prévalent.
« Mais attendu qu'ayant souverainement retenu que l'état descriptif de division, auquel le règlement de copropriété avait conféré une valeur contractuelle et qui affectait les lots situés au-dessus du premier étage à une destination exclusive d'habitation, n'était pas en contradiction avec les stipulations du règlement selon lesquelles l'immeuble était destiné à un usage professionnel de bureaux commerciaux ou d'habitation en ce qui concernait les locaux situés aux étages et combles dès lors que les dispositions de l'état descriptif de division étaient plus précises, en ce qu'elles portaient sur chaque lot, et alors que la destination énoncée au règlement l'était de manière générale, sans distinguer les étages au-delà du premier, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, a pu décider qu'en vertu du règlement de copropriété, les locaux situés au deuxième étage, ainsi qu'aux étages supérieurs, ne pouvaient être occupés à titre professionnel ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ; PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi… »
Autrement dit, l’état descriptif de division peut instituer des règles contraignantes, qu’il convient de respecter.
II. L’intérêt de cette décision
Le règlement de copropriété doit s’analyser dans son ensemble avec minutie, afin d’identifier la présence éventuelle de clauses ambiguës ou contradictoires, que ce soit par le :
-syndic, dans le cadre de sa gestion quotidienne de l’immeuble, pour laquelle il doit veiller à la pleine exécution de cette convention (article 18 de la loi du 10 juillet 1965) ;
-par le conseil syndical qui a connaissance de résolutions concernant la destination d’un ou de certains lots ;
-et bien entendu par les copropriétaires qui soumettent ces résolutions à l’ordre du jour.
Dans l’hypothèse où une disposition se révèlerait antinomique ou irrégulière, deux possibilités existent :
-amiable, sous la forme d’un projet de modificatif de règlement de copropriété établi par un notaire et annexé à la convocation de l’assemblée générale en vue de son adoption à la majorité requise variant selon les changements escomptés (article 11 alinéa 6 du décret du 17 mars 1967) ;
-judiciaire, par laquelle tout copropriétaire est fondé de manière imprescriptible, à requérir du juge l’annulation d’une clause illicite ou l’interprétation d’une stipulation douteuse.
Le règlement de copropriété « loi des parties » représente le moteur du fonctionnement du syndicat des copropriétaires.
Pour autant, la rédaction opérée par certains notaires laisse encore trop souvent à désirer, en raison de méconnaissance des spécificités de l’immeuble, d’omissions ou de contradictions.
Si la voie amiable doit être privilégiée, elle ne se révèle pas toujours envisageable en cas de majorité impérative renforcée, d’unanimité ou de refus par le syndicat des copropriétaires.