Confirmation :
un membre du conseil syndical peut engager judiciairement la responsabilité de son syndic
Fréquemment, les conseillers syndicaux nous interrogent pour savoir comment contraindre le syndic à respecter ses obligations à l’égard du conseil syndical.
Il est hélas trop commun de « croiser » des syndics qui ignorent les demandes du conseil syndical alors que la loi oblige à lui transmettre « toutes pièces ou documents » concernant le syndicat de copropriétaires.
Ce manque de diligence trouve principalement son explication dans le fait que la loi n’a prévu aucune sanction à l’encontre du syndic en cas de défaut de transmission des pièces.
Le syndic pense alors être « intouchable », d’autant plus que le conseil syndical ne dispose pas de la personnalité morale pour pouvoir ester en justice afin de le contraindre judiciairement à s’exécuter.
Néanmoins, comme nous allons le constater, cette croyance erronée puisqu’une décision d’un Tribunal d’Instance de Paris, confirmée par une récente ordonnance de la Cour d’Appel de Paris, réaffirme la possibilité pour un membre du conseil syndical d’agir à l’encontre de son syndic.
I. Des décisions judiciaires limpides
Le 19 janvier 2011, à la suite d’une requête formulée par l’un des membres du conseil syndical, le Tribunal d’Instance du 2ème arrondissement de Paris a condamné le syndic à lui fournir divers documents administratifs et comptables.
Pour motiver sa décision, le juge s’est appuyé sur l'article 21 de la loi du 10 juillet 1965, qui oblige le syndic à fournir au conseil syndical copie ou accès à toute pièce intéressant le syndicat de copropriétaires.
Voici donc un extrait de l’ordonnance :
« Ordonne au cabinet MARUANI 94 rue Saint-Lazare 75009 Paris de donner à Mr ...membre du conseil syndical et habilité par ledit conseil pour ce faire par procès-verbal du 15 juin 2010 la copie des documents suivants concernant l’immeuble en copropriété.... »
En dépit de cette décision judiciaire, le syndic a refusé de s’exécuter obligeant le copropriétaire membre du conseil syndical à ressaisir le Tribunal d’Instance.
Ainsi, le tribunal a considéré que l’obstruction du syndic de faire droit aux pouvoirs du conseil syndical constituait une faute grave et le 14 avril 2011 a condamné le syndic à verser 4.558 euros au titre de dommages et intérêts, conformément au montant réclamé par le conseil syndical, cette somme correspondant à l’intégralité des honoraires annuels de gestion courante.
Cette première décision judiciaire est importante puisqu’elle affirme qu’un conseiller syndical peut agir à l’encontre de son syndic à partir du moment où cela relève d’une décision inscrite au compte-rendu de décision du conseil syndical.
II. Une décision de la Cour d’Appel de Paris qui confirme celle du Tribunal d’Instance
Pour des faits similaires au point évoqué précédemment, une présidente de conseil syndical assigne en référé le syndic en place.
Le Tribunal d’Instance d’Ivry valide la demande de la présidente du conseil syndical et condamne le syndic à transmettre les pièces.
Ce dernier fait appel de la décision, qui est bien confirmée le 26 octobre 2016 par la Cour d’Appel de Paris.
Ainsi, cette juridiction de deuxième degré confirme la possibilité pour un copropriétaire, en qualité de conseiller syndical, d’assigner son syndic en invoquant une faute de gestion de ce dernier doublée d’une entrave aux prérogatives qui lui sont conférées par la loi.
III. Des décisions judiciaires qui ouvrent de nouveaux horizons
La confirmation par la Cour d’Appel de Paris de la possibilité d’un membre du conseil syndical d’agir à l’encontre de son syndic est une reconnaissance institutionnelle et juridique du conseil syndical.
Ainsi on peut par extension considérer qu’un membre du conseil syndical a la capacité d’engager la responsabilité de son syndic dans le cas où il refuserait d’élaborer en concertation les budgets prévisionnels ou l’ordre du jour de la convocation d’assemblée générale.
En effet, il s’agit d’un impératif prévu non seulement à l’article 18 de la loi du 10 juillet 1965 modifiée par la loi ALUR mais aussi à l’article 26 du décret du 17 mars 1967.
De surcroît, l’un des membres du conseil syndical peut saisir l’assurance de responsabilité civile professionnelle du syndic en place, si il constate une faute entrainant un préjudice à l’égard du conseil syndical.
En effet, en vertu des dispositions de l'article L124-3 du code des assurances qui précise qu’un tiers lésé (le conseil syndical) dispose d’un droit d’action directe à l’encontre de l’assureur, garantissant la responsabilité civile de la personne responsable.
La jurisprudence a déjà confirmé qu’un copropriétaire et, à plus forte raison, un membre du conseil syndical peut engager la responsabilité du syndic pour une faute ou une négligence sur la base de l'article 1382 de l’ancien Code civil (Cour d’Appel de Paris du 6 février 2013, n°008/04480).