Attention, la refonte d’un règlement de copropriété ne relève pas d’une simple adaptation légale ou règlementaire !
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Les faits
Un syndicat des copropriétaires décide en 2011, par un vote en assemblée générale, de procéder à ce qu’il appelle une « adaptation du règlement de copropriété », sur la base de l’article 49 de la loi du 10 juillet 1965, aujourd’hui transcrit sous l’article 24 f).
Une fois le projet établi, une nouvelle assemblée générale (septembre 2012) :
- Valide, l’ensemble des textes modifiés et relevant de la loi et du décret (décision N° 4) par un vote unique pris à la majorité simple de l’article 24 ;
- approuve, la modification de grilles de charges générales et spéciales (décision N° 5) suite à un changement d’usage d’un lot à la même majorité de l’article 24 ;
Le copropriétaire du lot en question (SARL A. S.), assigne alors le syndicat en vue d’obtenir l’annulation des deux décisions 4 et 5 en violation des articles 11 et 25 de la loi du 10 juillet 1965.
Il rappelle également que « l’adaptation » reste une simple mise à jour du texte du règlement de copropriété suivant les dispositions légales et réglementaires en vigueur et ne peut inclure une quelconque modification de l’état descriptif de division, ou de la désignation de l’immeuble, ou une modification des tantièmes de charges.
La Cour d’Appel de Paris (20 janvier 2016 a) fait droit aux demandes de la SARL A. S. et confirme une application stricte de l’adaptation du règlement de copropriété sur la base de l’article 49 devenu article 24 f).
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Sur la procédure d’adaptation
Sur le constat que de très nombreux règlements de copropriété comportaient des clauses contraires à la loi, le législateur a voulu faciliter la prise de décision en assemblée générale pour la mise à jour de ces règlements devenus « hors la loi ».
C’est ainsi que l’adaptation légale et règlementaire a été rendue possible à la simple majorité de l’article 24 de la loi du 10 juillet 1965.
A l’origine, cette disposition instituée par la loi dite SRU du 13 décembre 2000, était enfermée dans un délai de 5 ans à partir de la loi. Ce délai a été une première fois allongé à 8 ans, puis a été pérennisé en mars 2014, avec transfert de l’article 49 à l’article 24 f).
Par ailleurs, ne sont théoriquement concernés que les règlements de copropriété antérieurs à 1965, puisque supposés ne pas avoir intégré les deux textes fondamentaux : la loi du 10 juillet 1965 et son décret d’application du 17 mars 1965.
Cependant, force est de constater que certains règlements postérieurs à 1965 comportent malgré tout des clauses illégales.
Enfin, le législateur n’a cessé de légiférer depuis 1965, notamment avec la loi Alur, qui a modifié récemment intrinsèquement la loi de 1965.
L’intérêt d’une adaptation reste donc d’actualité pour de nombreuses copropriétés.
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Sur le contenu de l’adaptation : à distinguer d’une refonte !
L’adaptation du règlement de copropriété, appelée plus communément « toilettage » ou « mise à jour » vise uniquement la révision du texte du règlement de copropriété au vu des dispositions d’ordre public de la loi du 10 juillet 1965 et de ses décrets d’application.
Ainsi, l’illégalité doit être « flagrante » et non contestable.
C’est le cas par exemple lorsque le règlement de copropriété mentionne la règle de majorité des « 3/4 », elle devra être remplacée par l’article 26 de la loi, à savoir la majorité des copropriétaires représentant les 2/3 des voix du syndicat.
L’adaptation n’a pas pour vocation d’introduire l’apport jurisprudentiel, même confirmé.
C’est ainsi qu’une clause du règlement donnant autorisation à un copropriétaire de lots contigus de « privatiser » une partie commune ne pourra être supprimée dans le cadre de l’adaptation, même si les tribunaux sont unanimement d’accord pour la supprimer, au motif que le syndicat ne peut être privé de son pouvoir de décision par une clause du règlement.
La Cour d’Appel de Paris, ainsi saisie, opère bien la distinction entre ce qui relève de l’adaptation (mise à jour) et la refonte (partielle ou totale) du texte et rappelle que l’adaptation n’a pas vocation à :
- modifier la désignation de l’immeuble, même en précisant un descriptif d’un bâtiment qui existe physiquement, mais non décrit par le règlement ;
- modifier ou corriger l’état descriptif de division. En effet, il est courant qu’au fil des années, la configuration des lots tels que décrits par le règlement se trouve être modifié : comme par exemple la transformation d’un local commercial en local d’habitation, l’aménagement intérieur des lots en appartement style « loft », etc. ;
- acter le changement d’usage d’un lot. La SARL A. S. a modifié l’usage de ses lots en transformant ses ateliers en appartements. Le changement d’usage des lots privatifs et les conséquences sur les charges sont actés par décision d’assemblée devant se prononcer sur la base de l’article 25e).
Selon la Cour d’Appel, il n’est pas possible d’envisager une telle modification dans le cadre d’une adaptation : cette modification ne peut être validée par la simple majorité de l’article 24 ;
- modifier les tantièmes de copropriété, qui restent intangibles ;
- créer des parties communes spéciales : dans certains cas où l’ensemble immobilier est composé de plusieurs bâtiments, certains souhaiteraient pour permettre une autonomie des dépenses, créer des parties communes spéciales propres à chaque bâtiment afin de permettre une ventilation distincte des dépenses. Exemple : le ravalement du bâtiment A pourra être réalisé et payé en toute autonomie par les copropriétaires dudit bâtiment.
Cette modification du règlement suppose de recueillir l’unanimité des voix du syndicat et ne peut être actée par un simple vote à l’article 24.
- Créer des charges communes spéciales ; certains règlements de copropriété peuvent être contradictoires ou lacunaires ; c’est le cas par exemple lorsque le règlement identifie des parties communes spéciales (ex : bâtiment/ à certains lots/ WC/ parkings…) sans pour autant préciser les charges afférentes ou même sans prévoir de quotes-parts de charges. Cette lacune du texte du règlement ne peut être résolue via une simple adaptation.
Ainsi, la création de parties communes spéciales/ charges spéciales, traditionnellement réalisées par un géomètre-expert, requiert un vote à l’unanimité des voix du syndicat, comme le rappelle ici la Cour d’Appel.
Le syndicat en prenant une telle décision à la majorité simple de l’article 24 a violé le texte de l’article 11 de la loi du 10 juillet 1965.
- inclure dans le règlement des dispositions portant sur les modalités de jouissance des parties privatives et/ ou communes : par exemple, en insérant une clause portant sur l’entretien des terrasses/ jardins privatifs.
L’ensemble de ces points relèvent en fait d’une refonte du règlement, à savoir une modification substantielle du règlement et non d’une simple mise à jour comme l’adaptation pourrait le prévoir, c’est alors l’unanimité qui est requise.
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Conclusion
Pour éviter de telles contestations judiciaires, l’ARC conseille et accompagne ses adhérents et leur propose de réaliser la « prestation d’adaptation », qui se décompose comme suit :
- adaptation du règlement de copropriété : article 24 de la loi du 10 juillet 1965,
- modification de la grille de charges générales : unanimité,
- insertion de « parties communes spéciales » et de « charges communes spéciales » : unanimité,
….à moins de faire voter l’ensemble du texte à l’unanimité !
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Référence du texte
Arrêt Cour d’Appel de Paris, pôle 4, 2ème chambre, 20 janvier 2016.