Alerte :
la Commission de contrôle dépouillée de son sens. L’ARC saisit les ministères du Logement et de la Justice
Voici plus de deux ans que la loi ALUR a été promulguée sans que pour autant la Commission de contrôle instaurée par cette loi ne soit mise en place.
A plusieurs reprises, l’ARC a interrogé les Ministères du Logement et de la Justice pour connaître les motifs de ce retard.
En octobre dernier, une campagne de mobilisation nationale a été lancée afin que tous les copropriétaires de France saisissent à leur tour leurs députés ou sénateurs pour qu’ils réclament aux Ministères du Logement et de la Justice la publication rapide des décrets déterminant le fonctionnement et la composition de cette commission.
Malgré toutes ces actions et la mobilisation de nombreux parlementaires, la commission de contrôle n’est toujours pas constituée, avec des abus à la pelle, réalisés quasi quotidiennement par les syndics professionnels, et un Code de déontologie sans instance pour sanctionner les manquements.
La réponse à ce retard n’est pas fortuite mais bien calculée : les professionnels de l’immobilier veulent, depuis le départ, une instance qui ressemblerait plus à un « ordre professionnel » dans lequel ne siégeront que les professionnels de l’immobilier, sans magistrat et encore moins, les associations et, au premier rang desquelles l’ARC.
I. Le projet de loi « Egalité et Citoyenneté » qui détricote la loi ALUR
C’est ce qu’on pourrait considérer être un « cavalier législatif »… C’est dans le cadre d’un projet de loi visant à apporter une réponse concrète aux annonces du Gouvernement faites après les attentats de 2015, qui aborde les questions de mixité sociale dans les logements, de service civique, de « désengagement citoyen », de lutte contre les discriminations, que l’on retrouve une disposition… propre à la commission de contrôle des professionnels de l’immobilier !
L’article 35 du projet de loi « Egalité et Citoyenneté » qui est actuellement en cours de consultation au Conseil d’Etat, prévoit en effet de revenir sur plusieurs dispositions prévues par la loi ALUR concernant la commission de contrôle.
Entre autre, il prévoit de donner la possibilité au gouvernement de redéfinir, par voie d’ordonnance, la composition et les règles de nomination des membres de la commission de contrôle, alors que la loi ALUR (qui a modifié la loi HOGUET) a déjà défini sa composition.
En effet, l’article 13-6 de cette dernière loi précise que :
« La commission de contrôle des activités de transaction et de gestion immobilières comprend :
1° Des représentants de l'Etat, désignés conjointement par le garde des sceaux, ministre de la justice, et par le ministre chargé du logement ;
2° Un magistrat de l'ordre judiciaire ;
3° Des membres d'une profession juridique ou judiciaire qualifiés dans le domaine de l'immobilier ;
4° Des personnes ayant cessé d'exercer les activités mentionnées à l'article 1er ;
5° Des personnes représentant les cocontractants des personnes mentionnées à l'article 1er dans l'exercice des opérations citées au même article ».
Or, voici ce qui semble faire l’objet de l’article 35 du projet de loi s’intitulant « Egalité et Citoyenneté » en cours de discussion :
« Dans les conditions prévues à l’article 38 de la constitution, le gouvernement est autorisé à prendre par ordonnance toutes mesures relevant du domaine de la loi :
a) conférer la personnalité morale à la commission de contrôle et déterminer les modalités de son financement ;
b) redéfinir la composition et les règles de nomination des membres de la commission ;
c) procéder à toutes les clarifications procédurales nécessaires pour rendre efficace l’action disciplinaire;
d) modifier le contenu et les accès au répertoire mentionné à l’article 13-10 de la loi du 2 janvier 1970 pour assurer une plus grande efficacité dans l’exécution des sanctions et les contrôles par les chambres de commerce et de l’industrie des conditions d’accès a ces professions lors de la délivrance des cartes et de leur renouvellement ».
Ainsi, cette loi qui prône « l’égalité » souhaite revenir sur un modèle d’un autre temps en laissant la possibilité de transformer la Commission de contrôle initiale en ce qui pourrait s’apparenter à un « ordre des professionnels ». Ces professionnels pourraient ainsi régler leurs « petites affaires » en interne sans qu’une association comme l’ARC ne puisse intervenir.
Si ce texte est voté en l’état, le gouvernement sera donc en mesure de revenir sur la composition initiale de cette commission de contrôle, pourtant déjà votée par le Parlement, jusqu’à dénaturer la volonté du législateur de voir la création d’une instance pluridisciplinaire plutôt qu’un « ordre de professionnels ».
Mais encore, ce qui serait scandaleux dans un tel contexte, est que cette loi souhaite doter cette Commission de contrôle de la personnalité morale afin qu’elle puisse bénéficier de subventions publiques, alors même que les nouvelles dispositions en cours de discussion sont susceptibles d’en faire un « ordre ».
Ainsi, les professionnels de l’immobilier pourraient bénéficier de l’avantage qu’offre la constitution d’un ordre, à savoir une instance réservée uniquement aux professionnels, tout en ne pâtissant pas des inconvénients qui en découlent, notamment en ne supportant pas les frais que cela pourrait générer.
II. La réaction de l’ARC
Face à ce projet de loi inacceptable qui présente un risque de dénaturation de la commission de contrôle en privilégiant une « justice d’ordre », entre professionnels de l’immobilier, plutôt qu’un contrôle paritaire, l’ARC a saisi les Ministères du Logement et de la Justice, mais aussi l’ensemble des députés et sénateurs sur ce sujet.
En parallèle, l’ARC lancera très prochainement une nouvelle campagne nationale afin d’inviter tous les copropriétaires de France à saisir leurs députés ou sénateurs.
L’objectif est que les parlementaires s’opposent à l’article 35 du projet de loi « Egalité et Citoyenneté » et dans sa forme actuelle imposent par ailleurs au Ministère de la Justice la publication imminente de la Commission de contrôle, dans laquelle l’ARC siégera.
C’est l’objet de notre communiqué de Presse de ce jour : Alerte au risque de décomposition de la future Commission de contrôle
Voici par ailleurs le courrier envoyé par l’ARC aux Ministres du Logement et de la Justice :
« Paris, le 31 mars 2016
Objet : Risque avéré de modification de la composition de la Commission de contrôle des professionnels de l’immobilier
Madame la Ministre,
En tant que Président de la principale association représentative des intérêts des syndicats de copropriétaires, je me permets de vous solliciter concernant une disposition du projet de loi « Egalité et Citoyenneté » relative à la Commission de contrôle des professionnels de l’immobilier.
Et pour cause, l’article 35 de ce projet de loi prévoit de revenir sur plusieurs dispositions relatives au fonctionnement de cette Commission de contrôle ainsi que sur les règles de nomination de ses membres.
Cette disposition législative prévoit de donner aux pouvoirs publics la possibilité de redéfinir par voie d’ordonnance « la composition et les règles de nomination des membres de la commission de contrôle » qui pourtant ont déjà été déterminées par l’article 13-6 de la loi HOGUET du 2 janvier 1970 modifié par la loi ALUR du 24 mars 2014.
En effet, lors des débats sur la loi ALUR, le législateur a souhaité mettre en place non pas un ordre professionnel de l’immobilier mais bien une commission pluridisciplinaire dans laquelle se seraient réunis notamment un magistrat ainsi que des représentants de l’état et des cocontractants, à savoir les syndicats de copropriétaires.
L’article 35 du projet de loi « Egalité et Citoyenneté » est donc une tentative de revenir sur des dispositions législatives votées en permettant à un gouvernement de supprimer tel ou tel représentant dans cette commission et, en premier lieu, ceux défendant l’intérêt des syndicats de copropriétaires.
Ce qui paraît le plus incohérent c’est que ce projet de loi souhaite aussi « confier la personnalité morale à cette commission de contrôle », lui permettant d’obtenir des subventions publiques tout en lui donnant la possibilité, par voie d’ordonnance, de se constituer en un « ordre professionnel ».
C’est pour ces motifs que je me permets de vous alerter sur cette disposition particulièrement pernicieuse qui permettra, en fonction des enjeux politiques, d’évincer les associations au sein de cette commission de contrôle afin d’aboutir à la création d’un ordre des professionnels de l’immobilier.
Nous vous sollicitons donc pour que vous vous opposiez à cette disposition législative et que vous défendiez la place des associations comme l’ARC au sein de cette commission afin que les intérêts des syndicats de copropriétaires soient au mieux représentés.
A défaut, il est fort probable que cette commission sera peu efficace laissant aux seuls professionnels de l’immobilier la possibilité de sanctionner les abus et irrégularités constatées de manière quasi quotidienne.
Pour mémoire, notre association est totalement indépendante et ne perçoit aucune subvention des pouvoirs publics. Elle a été créée il y a plus de 28 ans et milite activement pour défendre les intérêts des syndicats des copropriétaires.
Elle siège d’ailleurs dans plusieurs commissions nationales et était membre permanent de la Commission Relative à la Copropriété (CRC) qui a été récemment dissoute.
Je vous remercie des suites que vous voudriez bien donner à mon courrier et dans cette attente, je vous prie d’agréer, Madame la Ministre, l’expression de mes salutations distinguées.
Gérard ANDRIEUX
Président de l’ARC ».