L’exploitation d’un local commercial constitue une source fréquente de tensions pour les copropriétaires, en raison d’une part des nuisances engendrées, et d’autre part de la conformité de l’activité exercée par rapport au règlement de copropriété.
Un récent arrêt de la Cour de Cassation du 8 juin 2017 souligne la possibilité, pour une assemblée générale, de porter atteinte aux modalités de jouissance de parties privatives sous réserve que le copropriétaire concerné soit à l’origine de la résolution.
I. Changement d’affectation d’un lot : refus de l’assemblée générale et recours contre la résolution
A. Les faits
Le propriétaire d’un local commercial sis dans un immeuble parisien en copropriété sollicite de l’assemblée générale l’autorisation d’un changement d’affectation de son lot, afin de l’exploiter en hôpital de jour.
Cette autorisation ne lui étant pas accordée par l’assemblée générale, il décide de passer outre et de commencer son activité.
Il considère qu’il a simplement demandé le changement de destination de ses parties privatives sans renoncer de manière non équivoque à exercer cette activité d’hôpital de jour si cela n’est pas accordé, cette activité ressortant bien d’un registre commercial.
Le syndicat donne mandat à son syndic pour agir judiciairement à l’égard du copropriétaire contrevenant. Il demande à ce qu’il soit condamné à se conformer à la résolution de l’assemblée générale, et à cesser cette nouvelle activité même si elle peut être qualifiée de commerciale.
Le T.G.I de Paris faisant droit à la demande du copropriétaire, le syndicat interjette appel. La Cour d’Appel infirmant le jugement, le copropriétaire ne désarme pas et se pourvoit en cassation.
B. La décision judiciaire
La 3ème chambre civile de la Cour de Cassation confirme l’arrêt de la Cour d’Appel dans une décision du 8 juin 2017, n° 16 - 16566.
Les juges soulignent que la conformité supposée au règlement de copropriété de l’activité exercée, dite « commerciale » ne suffit pas à elle seule pour faire abstraction de la résolution de l’assemblée générale qui refuse le changement d’affectation sollicité.
Autrement dit, le copropriétaire doit requérir impérativement l’annulation par voie judiciaire de la décision du syndicat de copropriétaires qui a rejeté sa demande de changement de destination.
Il devra se fonder sur le non-respect de la destination de l’immeuble, comme défini par le règlement de copropriété.
En l’absence d’action judiciaire du copropriétaire opposant ou défaillant dans le délai de deux mois suivant la notification du procès-verbal de l’assemblée générale par le syndic, la résolution lui est pleinement opposable (art. 42 de la loi du 10 juillet 1965).
Autrement dit, le vice éventuel ne peut plus être dénoncé, il s’en trouve purgé :
« Mais attendu qu'ayant relevé que l'établissement public s'était, de sa propre initiative, assujetti à l'accord des copropriétaires pour exercer son activité d'hôpital de jour et que la décision de l'assemblée générale refusant ce changement d'affectation n'avait pas été contestée et retenu, à bon droit, que, devenue définitive, elle s'imposait à l'établissement public comme à tous les autres copropriétaires alors même qu'elle porterait atteinte aux modalités de jouissance de leurs parties privatives, la cour d'appel en a justement déduit, sans être tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, qu'il n'y avait pas lieu d'examiner si le changement d'affectation contrevenait aux prévisions du règlement de copropriété, si l'activité d'hôpital de jour présentait une utilité sociale ou si elle engendrait des troubles dans l'immeuble. D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ; PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi… »
II. Les recommandations de l’ARC
Cet arrêt vient rappeler qu’une résolution d’assemblée générale peut primer sur le règlement de copropriété, y compris si cela porte atteinte à la liberté de jouissance de parties privatives.
Si une décision d’assemblée générale est prise en contradiction avec le règlement de copropriété, il sera donc nécessaire d’agir dans le délai prescrit par l’article 42 de la loi du 10 juillet 1965, à savoir dans les deux mois qui suivent la notification du procès-verbal pour obtenir son annulation et le respect des dispositions du règlement de copropriété.
A défaut d’engager une action, le règlement de copropriété, même s’il vous est favorable, sera supplanté par la résolution qui a été votée.